Avec le temps, la saga Indiana Jones est devenue ce qu’elle filmait : un objet de musée. Qui ne connait pas le célèbre aventurier armé de son fouet, chapeau sur le crâne, incarné par Harrison Ford ? Dans les trois premiers volets (on se passera de mentionner le 4), Steven Spielberg avait théorisé ce qu’est une aventure digne d’Indiana Jones. Avec ce cinquième opus intitulé Indiana Jones et le Cadran de la destinée, Spielberg passe le flambeau à James Mangold (Le Mans 66, 3h10 pour Yuma) et il semblerait que le flambeau soit un fardeau.
Fin de la Seconde Guerre mondiale. Les nazis découvrent un nouvel artefact crée par Archimède en personne et souhaite l’utiliser pour changer le cours de la guerre. C’est sans compter sur notre ami Indy, ayant subi un lifting numérique remarquable pour faire passer Ford pour l’homme qu’il était 25 ans auparavant. Ça saute, ça tire dans tous les sens, les nazis passent un mauvais quart d’heure et quelques péripéties plus tard, cette introduction nous emmène dans le présent en 1969 pour le retour sur Terre des cosmonautes d’Apollo 11. Place maintenant à la nouvelle aventure !
Dans Indiana Jones et le Crâne de crystal, on nous a introduit le fils d’Indiana (interprété par un Shia Leboeuf peu convaincant). Exit le fiston, faites donc entrer sa filleul incarnée par l’actrice et créatrice de Fleabag, Phoebe Waller-Bridge. Son rôle d’aventurière contrebandière d’antiquités est habilement écrit pour lui correspondre comme deux gouttes d’eau. Fabuleuse en comparse d’Harrison Ford pendant tout le film, elle permet à l’histoire d’être un minimum incarnée et intéressante. Quant-à Ford, il interprète sans souci une nouvelle fois Indiana, sans avoir néanmoins la flamme et l’énergie apportées par Waller-Bridge. Heureusement que le duo fonctionne parce que le reste de la structure du long-métrage a des défauts, beaucoup trop.
Incohérent et sans saveur
Un blockbuster hollywoodien n’est jamais dénué de problèmes scénaristiques, les premiers Indiana Jones en avaient aussi de nombreux. Néanmoins, Le Cadran de la destinée décide de se surpasser dans les incohérences à un niveau où tout perd pied. Les scènes d’action multiplient les facilités d’écriture pour transformer le film en une locomotive au rythme effréné, mais totalement incohérent. L’histoire dans sa globalité est mécanique, un produit ultra standardisé qui ne s’intéresse pas aux erreurs de bon sens scénaristiques. Sans oublier un final – qu’on ne spoilera pas bien entendu – qui incorpore presque tous les problèmes du long-métrage en une série de séquences.
Alors, le scénario est laborieux, mais la partie visuelle elle est comment vous me direz ? D’un point de vue purement technique, James Mangold remplit plutôt bien sa part du marché avec une mise en scène « spielbergienne » efficace où il démontre une certaine aisance à composer et éclairer les plans. En ce qui concerne les fameux CGI, ces plans numériques, de nombreuses critiques attaquent ces derniers comme s’ils étaient responsables de tout. Regardez Tom Cruise voler en avion de chasse dans Top Gun 2, c’est ça le cinéma – tout en ne se rendant pas compte que pratiquement tous les plans du film utilisent du CGI. Certes, tout n’est pas joli dans le Cadran de la destinée (en particulier la fin), mais ce n’est fondamentalement pas le souci du film. Quand dans Indiana Jones 3, Sean Connery et Harrison Ford virevoltent dans les airs (un avion devant un écran en studio, plastiquement parlant c’est pas la folie), on l’accepte en tant que spectateur, car la séquence est parfaitement contée, à la fois drôle et intense. Le même principe s’applique au 5, sauf que ce qui nous est raconté est générique, parfois brouillon et fondamentalement ennuyeux.
De l’art d’ennuyer sans temps mort
Oui, on a bien écrit « ennuyeux ». Difficile de créer de l’ennui quand vous avez de l’action non-stop pendant 2h30. Sauf qu’il y a plusieurs types d’ennui. Les scènes d’action nous en mettent plein la vue et en même temps sont inintéressantes au possible. On assiste à des hommages à répétition à la trilogie, mélangés à une narration vue et revue des milliards de fois depuis 50 ans dans la production hollywoodienne. Aucune scène ne surprend. Aucune cascade ou voltige ne suscitent un intérêt quelconque. On demeure amorphe devant un film qui nous promet de vivre une aventure excitante.
Au final, la plus grande qualité d’Indiana Jones et le Cadran de la destinée est de permettre au spectateur de tirer un constat : la formule Indiana Jones a fait son temps. Elle a été usée jusqu’à la moelle. C’est fini, il ne reste pratiquement plus rien, circulez. Tous les codes qui avaient été inventés en son temps pour créer un nouveau type de blockbuster sont depuis trop longtemps digérés et rejetés en masse dans chaque scénario de film d’aventure. Un renouveau profond aurait été nécessaire à cet Indiana pour lui donner un sens… Ou tout simplement il faut arrêter de faire des suites à tout sans justification.
Indiana Jones et le Cadran de la destinée sort le 28 juin 2023. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes 2023 ici.
Avis
La plus grande qualité d'Indiana Jones et le Cadran de la destinée est de permettre au spectateur de tirer un constat : la formule Indiana Jones a fait son temps. Elle a été usée jusqu'à la moelle. C'est fini, il ne reste pratiquement plus rien, circulez. Un renouveau profond aurait été nécessaire à cet Indiana pour lui donner un sens... Ou tout simplement il faut arrêter de faire des suites à tout sans justification.