Au Festival de Cannes, il y a les films qui dénoncent la société (Triangle of Sadness), ceux qui sont formellement brillants (Decision to Leave) ou encore ceux qui sont des délires narratifs et esthétiques (Tourments sur les îles). Ils partagent tous une ambition colossale à peine voilée. Un petit frère, réalisé par Léonor Serraille, est au contraire le film le plus humble de la compétition, d’une fascinante sobriété pour une saga familiale.
Une mère arrive en France avec ses deux fils. Elle a quitté la Côte d’Ivoire en y laissant ses problèmes pour tenter sa vie de l’autre côté de la Méditerranée. C’est une femme forte qui sait ce qu’elle veut et qui souhaite plus que tout au monde que ses enfants réussissent. Néanmoins, la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
20 ans d’histoire, 3 personnages et 3 points de vue
L’originalité de Un petit frère réside dans sa narration décomposée en trois parties distinctes : la première suit la mère, la seconde le grand frère et la dernière le petit frère (qui est le narrateur en voix-off). À travers ces trois points de vues, la réalisatrice décortique l’intégration d’une famille d’immigrer sans tomber dans les clichés. Avec une douceur remarquable, elle livre trois portraits intelligents qui révèlent les qualités multiples d’un scénario qui a l’art de rester sobre. Cette construction narrative lui permet d’ajouter de la nuance dans la caractérisation de chacun de membres de la famille : parfois égoïste, à d’autres moments prêts à tout pour s’entraider. Ils sont avant tout profondément humains, donc complexes.
Léonor Serraille (qui a obtenu la Caméra d’or pour son premier film, Une jeune femme) livre également une belle analyse de l’intégration dans un pays comme la France avec les avantages et les inconvénients. Elle conserve tout le long du récit de la justesse et parvient à ne jamais tomber dans les clichés, alors que de nombreux films liés au sujet se perdent dedans.
Du beau et bon cinéma
Que ce soit la composition des plans ou encore son scénario et son montage, Un petit frère impressionne par sa précision dans la réalisation. Chaque cadre est bien pensé et dévoile subtilement les émotions des personnages. Encore une fois, elle arrive à garder cet aspect humble qui parcourt tout le film. C’est une mise en scène indéniablement talentueuse dans un long-métrage qui ne le montre pas.
On ne peut que mentionner également la prestation de chacun des acteurs, en particulier de la mère, interprétée magnifiquement par Annabelle Lengronne. Ils livrent une performance qui se base principalement sur les émotions cachées. Si ces dernières sont ainsi, c’est aussi à cause de la mère qui enseigne à ses enfants qu’il ne faut jamais pleurer, qu’il faut pleurer intérieurement. Cet enseignement crée un problème de communication entre les personnages, incapables de révéler leurs sentiments les uns envers les autres.
Rares sont les films qui restent tout en finesse en contant une histoire aussi dense. Indéniablement, Un petit frère en puise sa vitalité. Un beau film délicat et pertinent.
Un petit frère est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2022.
Avis
Une grande retenue pour un film magnifiquement interprété et au scénario et à la mise en scène intelligente.