Hirokazu Kore-eda est devenu l’un des cinéastes chouchous du Festival de Cannes. Vainqueur de la Palme d’or pour Une Affaire de famille en 2018, il revient en compétition avec Broker (Les Bonnes étoiles), un film très similaire dans l’idée, mais cette fois tourné en Corée et avec des acteurs coréens dont la star de Parasite, Song Kang-ho.
Kore-eda adore les histoires de famille qui n’en sont pas. Du moins, dans le sens le plus basique du terme, c’est-à-dire des personnes liées par le sang. Dans Les Bonnes étoiles, on fait la rencontre d’une jeune femme qui abandonne son bébé dans une « boite à bébé », véritable phénomène de société suite au durcissement de l’accès à l’adoption en Corée du Sud. Sauf que celui-ci est récupéré par deux hommes (dont Song Kang-ho) qui souhaitent trouver de nouveaux parents pour ce nouveau-né moyennant finance. Les aléas de l’histoire (le retour de la mère et l’arrivée d’un orphelin débrouillard et très drôle) vont faire que bientôt une petite famille va se constituer autour de ces deux personnages.
D’une grande délicatesse
Une mise en scène délicate est pratiquement un pléonasme lorsque l’on parle du cinéaste Kore-eda. Il possède un sens aigu de la composition, de la narration et surtout de l’humain, qui lui permet d’aborder chaque nouveau film avec la même tendresse visuelle et émotionnelle. Imparfaits, les personnages sont développés pour ne révéler que leur humanité.
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Kore-eda ne se cache pas quand il fait appel à la bande-originale de Magnolia, le film fleuve de Paul Thomas Anderson, lors d’une séquence tout en références à son ainé. Finalement, il montre clairement ses intentions : il souhaite réaliser son Magnolia. Car les deux récits partagent cette même colonne vertébrale des destins entrecroisés empreint d’une profonde humanité et d’un amour inconditionnel pour les personnages. En cela, il réussit à faire des Bonnes étoiles un bel hommage tout en étant un film à part entière complètement différent.
Bons sentiments excessifs
Le développement de l’histoire ne s’avère pas dénué de défauts. En effet – et contrairement à d’habitude – il a tendance à rendre visible les artifices d’écriture et parfois de perdre de sa justesse réaliste au profit d’une pure histoire de cinéma. C’est un équilibre complexe entre deux aspects qui ne cohabitent pas forcément bien ensemble. Kore-eda s’en tire néanmoins avec les honneurs, mais il n’arrive pas à être aussi organique dans son traitement que pour Une Affaire de famille.
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De plus, il appuie son propos avec un peu trop de facilité et de bons sentiments. Kore-eda apprécie tellement révéler l’humanisme de ses personnages qu’il en efface les parts sombres. On prend la mesure de problème rien qu’avec le personnage de Song Kang-ko qui revend des enfants, ce qui est illégal (quelle découverte !) et moralement discutable – et ce malgré le fait qu’il cherche aussi à leur éviter l’orphelinat. Or cet aspect est rapidement balayé pour ne montrer que les côtés positifs de la personne et de ses actions. Paradoxalement, en proposant une histoire qui ne parait pas manichéenne aux premiers abords, elle le devient néanmoins quelque peu. La différence avec la plupart des histoires de cinéma ? Tout le monde est gentil et même les mauvaises actions (d’un point de vue extérieur) trouvent une raison juste (en même temps il y a quelque chose de rassurant dans cette vision du monde).
Mais tout cela ne retire en rien le fait que Les Bonnes étoiles est un très beau film, touchant et drôle. Il serait dommage de s’en priver.
Les Bonnes étoiles est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2022 et sort le 7 décembre 2022 au cinéma.
Avis
Sans être son plus grand film, Kore-eda propose un film doux, drôle et intelligent. Bref, à ne pas manquer !