Holden explore de manière captivante et sans filtre la quête d’identité d’une adolescente tourmentée.
Lola, 16 ans, aimerait être quelqu’un d’autre. D’ailleurs, elle veut qu’on l’appelle Holden, comme le personnage de L’Attrape-cœurs de Salinger, une œuvre qu’elle adore. Holden et son amie Luce partagent la même incompréhension du monde et le sentiment d’être à part. Alors, un jour, elles décident de s’enfuir. Un seule-en-scène plein de vérité, magistralement interprété.
« Ça n’est jamais complètement fini l’enfance. »
Voyage en adolescence
Sur scène : quelques palettes empilées, des briques de jus de fruit et des sachets de chips vides éparpillés sur un sol tapissé de cartons. Tandis qu’elle attend son amie pour échapper au monde — ou peut-être le rejoindre, rien n’est vraiment clair pour elle —` Holden, anorak sur le dos et bonnet vissé sur la tête, nous livre avec son air mi-rebelle mi désabusé ce qui l’habite, l’anime, l’inquiète, la questionne. Plus tout à fait une enfant, pas encore vraiment une adulte, forcée d’avancer vers l’inconnu, de grandir, elle est terrifiée.

En vrac, sans ligne directrice, comme ça vient, elle nous raconte son quotidien, son rapport aux êtres, aux choses, au monde auquel elle tente de s’agripper tandis qu’il tourne à toute vitesse, à tout ce qu’elle ne comprend pas, aux ombres qui déjà la suivent. Le texte fiévreux de Guillaume Lavenant est complètement ancré dans son époque. Ill nous entraîne dans le trouble qu’est celui de cette jeune fille en proie à tout ce que l’adolescence a de plus inconfortable.
Une interprétation hypnotique
Mais ce qui est saisissant, c’est l’interprétation de Mégane Ferrat. Quelle performance ! Sans surjeu, sans maladresse, avec une justesse troublante, elle se glisse dans la peau de cette adolescente et nous interpelle, nous touche nous captive d’un bout à l’autre. Sa gestuelle, ses mimiques, jusqu’à sa tonicité : elle est une ado plus vraie que nature, incapable de tenir en place, enchaînant ses phrases à toute vitesse, bouillonnant d’une colère intérieure qui cherche à se libérer sans faire trop de dégâts. Une colère qu’elle espère semer en chemin…

Preuve ultime sans doute de la justesse de son interprétation : c’est aussi une salle toute entière de jeunes collégiens/lycéens agités que la comédienne a réussi, en quelques minutes à peine, à rendre silencieux et attentifs. Des ados happés à leur tour par les inquiétudes, les agacements et les tourments de Lola ; par les changements de rythme aussi, tout autant hypnotiques, qu’accompagnent la création musique et son de Rachel Langlais et la création lumière de Sara Lebreton.
« Être en colère, ça vous évite d’être triste. »
Derrière l’air désinvolte et le récit décousu de cette adolescente marginalisée, sa vulnérabilité, son mal-être, sa solitude nous percutent de plein fouet. Son amie Luce la rejoindra-t-elle pour cette échappée vers les États-Unis ? Les réponses trouveront-elle un chemin dans ce foisonnement d’interrogations ? Difficile de dire ce qui nous restera en mémoire de cette longue confidence, mais ce qui est sûr c’est que l’interprétation de Mégane Ferrat, elle, est inoubliable.
Holden, de Guillaume Lavenant, mise en scène Marilyn Leray, avec Mégane Ferrat, se joue du 5 au 21 juillet 2025, les jours impairs, à La Manufacture, à Avignon.
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Avis
"Après des recherches, j’ai appris qu’il était impossible d’obtenir les droits pour adapter L’Attrape-cœurs de J. D. Salinger au théâtre. Pourtant, ce texte ne me quittait pas" explique Marilyn Leray qui s'est alors librement inspirée du roman culte pour créer son propre personnage de Holden.