Les Meutes nous emmène dans l’obscurité des bois, pour un conte inquiétant qui brouille les pistes entre proies et prédateurs.
Les Meutes est un conte philosophique de toute beauté où l’inquiétude, et la noirceur qui nous habite, s’écrivent à la lueur de la poésie et la délicatesse des mots. Un récit troublant, intrigant, captivant, dans lequel les liens qui se font peuvent finir par serrer trop fort et réveiller nos ombres…
« Une histoire qui fait peur, mais pas tant que ça. Pas plus que la vie. »
La nouvelle création de la Compagnie Microscopique
Nous avions découvert la compagnie Microscopique en 2021 avec le seule-en-scène pluvieux, Une goutte d’eau dans un nuage, qui nous avait littéralement ensorcelés par la poésie de la plume, la délicatesse du jeu d’Éloïse Mercier, et l’originalité folle de la proposition. L’un de ces spectacles qui marquent durablement, et dont nous gardons encore, plusieurs années après, un souvenir aussi précis qu’ému et un sourire au coin des lèvres.
Alors c’est forcément avec beaucoup d’enthousiasme et d’impatience que nous sommes allés découvrir leur toute nouvelle création. L’atmosphère y est très différente. Ici, le voyage immersif au Vietnam laisse place à l’obscurité des bois, là où les bruits de la nuit affolent l’imaginaire et où les bêtes sauvages peuvent surgir de n’importe où. De n’importe qui…
Lou, qui es-tu ?
C’est l’histoire de Lou, qui a grandi dans une forêt d’immeubles, et des clans, des groupes, des familles, des meutes qu’elle croise et aux attentes desquelles il faut répondre, auxquelles il faut plaire. C’est l’histoire de Lou et de son ombre qui pourrait devenir plus grande qu’elle si elle n’y prend pas garde ; son ombre qui se lèvera parfois la nuit tandis qu’elle dormira… Car les contes qui commencent par Il était une fois ne se terminent pas toujours bien…
Sa grand-mère souffrait d’une psychose qu’elle tenait elle-même de sa mère alors, forcément, dans la famille de Lou, l’ombre à tendance à prendre de la place. Un jour, alors qu’elle est à l’université, ce garçon qui la fascinait l’emmène dans la forêt de la Grand Montagne et lui promet l’aventure. Sans savoir que, dans cet environnement de nature sauvage, les ombres se sentent chez elles un peu plus qu’ailleurs… Dans le chalet solitaire où leur relation va prendre forme, Lou sent que l’amour apaise les loups, dompte ses élans féroces. Mais pour combien de temps ?
Les Meutes, une création hypnotique
Ça commence en douceur. Des vidéos de montagne et de forêt projetées tandis qu’une voix féminine nous confie comme cet environnement paisible, cette tanière va lui manquer. Mais… on comprend très vite qu’il n’y aura rien de paisible dans ce voyage au pays des ombres où les robes de mariées ont la couleur du sang. Quelque chose sommeille en Lou qui nous trouble. Comme si, derrière ses airs d’agneau et sa voix douce, se tapissait une bête féroce. À moins que le danger ne vienne d’ailleurs ? Rien n’est très sûr.
On est immédiatement happé par tout ce qui fait ce spectacle. Par l’atmosphère sombre et inquiétante, avec ces arbres qui matérialisent la forêt en fond de scène et ces projections vidéos qui sèment le trouble entre fiction et réalité. Par le jeu captivant d’Éloïse Mercier et Gautier Boxebeld qui habitent cette histoire avec une justesse confondante et une complémentarité qui crève les yeux. Et évidemment par la plume toujours aussi subtile, évocatrice et poétique d’Éloïse Mercier qui s’imprègne ici du champ lexical de la vie sauvage pour tricoter avec habileté et intelligence un récit où l’humain et le fauve ne font qu’un. Un pur régal.
« Pourquoi se plier pour prendre une forme qui n’est pas la nôtre ? »
On plonge dans l’intimité de ces deux êtres très différents, réunis par leur quête de liberté, par leur soif d’aventure et par leur amour. Mais il y a les meutes, toujours. La famille à laquelle il faut faire plaisir, leurs attentes auxquelles il faut répondre, ce collier de l’arrière grand-mère qu’il faudra porter le jour du mariage pour faire plaisir à d’autres que soi… Et tandis que le devoir et le dévouement viennent peu à peu effacer la liberté et l’aventure, l’étreinte agréable et rassurante se change doucement en piège. C’est alors quelque chose de sinistre sommeille, s’installe, menace… Et si le loup y était…
Leur univers est à découvrir absolument !
Les meutes, écrit et mis en scène par Éloïse Mercier, avec Gautier Boxebeld & Éloïse Mercier, se joue au Théâtre de la Manufacture, du 4 au 21 juillet 2024, à 12h20 (relâche les mercredis).
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Avis
Récit, musique et vidéo se mêlent dans cette pièce originale qui nous plonge dans une traque troublante, construite en trois épisodes. La plume est sublime, l'interprétation captivante, et le récit qui flirte avec l'imaginaire interroge subtilement notre besoin d'appartenance et nos limites.