T.C.H.E.K.H.O.V traverse avec beaucoup d’énergie et une tonalité burlesque la vie et l’œuvre du célèbre dramaturge russe.
T.C.H.E.K.H.O.V est la nouvelle création de la compagnie Le Grand Tigre, avec laquelle nous avions clos notre précédent festival d’Avignon d’une bien belle manière ! En effet, à leurs côtés nous avions fort joyeusement traversé la vie et l’œuvre de Molière.
Nous avions donc hâte de découvrir une autre grande figure du théâtre à travers le regard et l’approche complètement originale et audacieuse de ces artistes inspirés. C’est donc cette fois dans l’univers de l’un des écrivains russes les plus célèbres que nous les avons suivis. Et si nous avons un peu moins accroché, nous n’avons pour autant pas regretté la balade.
Une troupe qui impose son style
Après un M.O.L.I.E.R.E acronyme de Méli Mélo Oratoire Librement Inspiré d’Errances dans le Répertoire de l’Éponyme, c’est à une Traversée Charmante avec Haltes Exploratoires dans la Kyrielle d’Humeurs d’une Œuvre Vécue que nous invite ce T.C.H.E.K.H.O.V. ! Et on peut dire que cette compagnie a une véritable signature, un style bien à elle, et réussit un mélange des genres tout à fait inédit.
Et c’est une distribution exclusivement féminine cette fois qui donne la parole à l’artiste, à ses œuvres et aux personnages de sa vie à travers les mots des personnages de ses pièces, et notamment La Mouette, Les trois sœurs, La Cerisaie ou encore Oncle Vania. Car c’est tout le concept de ces créations, utiliser les textes d’un auteur pour les faire parler de lui-même et traverser son existence. Le tout, bien sûr, d’une manière cohérente et structurée, ce qui force l’admiration car l’exercice n’est pas des plus simples.
« Je croyais que les gens célèbres sont fiers, inaccessibles, qu’ils méprisent la foule et que, par leur gloire et l’éclat de leur nom, ils se vengent de ce qu’elle place au-dessus de tout la naissance et la richesse. Mais ils pleurent, ils pêchent à la ligne, ils jouent aux cartes, ils rient et se mettent en colère, comme tout le monde… »
Et ces trois comédiennes s’en sortent très bien. En effet, Odile Ernoult, Clémentine Lebocey & Elsa Robinne s’en donnent à cœur joie et interchangent sans cesse les rôles avec une dextérité admirable. Elles sont accompagnées par la musique live au piano de Joseph Robinne, dont la présence nous paraissait plus anecdotique dans M.O.L.I.E.R.E, mais qui prend dans cette pièce une place essentielle. Si bien qu’elle apparaît comme un élément à part entière du décor et vient habiller les personnages.
La traversée rythmée d’une existence
Avec un engagement et un dynamisme soutenu par la mise en scène efficace d’Étienne Luneau, elles racontent le jeune homme qui subit la faillite de sa famille, voit ses frères aller rencontrer un destin tragique à Moscou, puis part à son tour dans la capitale russe pour étudier la médecine tout en subvenant aux besoins de ses proches…
Puis, elles nous font rencontrer l’auteur qui tente de faire connaître sa plume en publiant des nouvelles dans différents journaux ; l’aventurier qui rejoint le bagne de Sakhaline durant un an pour témoigner des conditions d’existence des bagnards. Mais aussi l’homme de théâtre qui se mue en véritable explorateur de l’âme humaine ; ou encore l’homme malade qui passe ses journées à écrire et aller à la pêche… Une période un peu plus festive que les autres tout de même lorsqu’il devient écrivain et reçoit le prix Pouchkine en 1888.
Un T.CH.E.K.H.O.V un peu plus pâlot
Difficile de ne pas comparer, et d’appréhender cette nouvelle création sans attente. Et il est vrai que M.O.L.I.E.R.E a notre préférence, pour plusieurs raisons. Pour commencer, nous avons été un peu moins sensibles au potentiel humoristique de ces comédiennes qui excellent par ailleurs. Ensuite, nous avions beaucoup moins de références en tête avec Tchekhov, si bien qu’il nous était plus difficile de faire des liens. Et puis, il faut dire aussi que la vie de l’auteur russe, essentiellement faites de maladie, mélancolie et désenchantement, offre un accès moins facile au rire et à l’enthousiasme.
Et, si nous avons eu un peu de mal à entrer dans le propos et que nous avons moins ri que nous ne ne l’espérions, quelques scènes sont néanmoins de vraies pépites. Notamment celle où les gouttes de Valériane deviennent le seul remède prescrit pour tous les maux avec un effet de répétition très comique. On pense aussi à l’interview avec un Tolstoï rendu assez hilarant, ou encore au voyage en calèche, magique dans sa mise en scène !
Ce sont ces moments de folie que nous aurions aimés un peu plus nombreux tant ils dynamisent et font pétiller un ensemble qui tend à rester un peu plat malgré toute l’énergie déployée par les comédiennes. Pour autant, l’ingéniosité, la générosité et le dynamisme sont bel et bien là et méritent d’être découverts et applaudis. Et ça tombe bien puisque les deux pièces de la compagnie seront jouées en alternance lors du prochain festival d’Avignon !
T.C.H.E.K.H.O.V, d’après la vie et l’œuvre d’Anton Tchekhov, écriture et mise en scène Étienne Luneau, avec Odile Ernoult, Clémentine Lebocey, Elsa Robinne & Joseph Robinne, se joue au Théâtre du Centre, du 7 au 29 juillet à 20h30 les jours impairs.
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Avis
Cette approche très contemporaine et insolite d'un auteur classique et de son œuvre nous offre un moment de théâtre réjouissant. Tout en nous divertissant par son côté burlesque, elle nous instruit et nous fait (re)découvrir un pan de la culture littéraire et théâtrale.