L’homme et le pêcheur est une comédie contemporaine qui raconte comment notre avenir peut nous échapper à force de petites renonciations.
L’homme et le pêcheur est la nouvelle création de la compagnie Teatro Picaro. Une compagnie que nous gardons à l’œil depuis que nous avions découvert et adoré sa précédente pièce, La fuite, qui interrogeait avec humour et profondeur notre capacité à accepter et à assumer nos erreurs.
Ici, nous retrouvons Ciro Cesarano aux côtés de Paolo Crocco dans une comédie surréaliste qui nous amène de manière aussi intelligente qu’insensée à questionner la relation que nous entretenons avec notre monde intérieur, et cette fâcheuse tendance à prendre conscience de la valeur de ce que nous avons dès lors que nous le perdons. Un moment de pure fantaisie que nous avons adoré.
Un duo qui fonctionne à merveille
La scène d’ouverture est à elle seule d’une drôlerie sans nom ! En effet, elle pose le décor d’une situation improbable. Sur un ponton, un homme en complet, chapeau melon et petites lunettes noires rondes et opaques, pêche… avec une canne à pêche sans ligne ! À l’autre bout du ponton, un homme s’apprête à sauter dans l’étang, une corde lestée d’un parpaing attachée autour du cou.
Le pêcheur est totalement impassible face à l’évidente détresse de l’homme qui s’apprête à mettre fin à ses jours.. Il aimerait bien que son voisin de ponton en finisse le plus rapidement possible pour qu’il retrouve sa tranquillité. Les hommes le fatiguent. Et celui là est bien parti pour être champion en la matière ! Ce sont d’abord les échanges de regards, puis les échanges tout courts entre ces deux êtres improbables qui nous régalent tant les comédiens sont expressifs.
« – C’est un plaisir de vous avoir rencontré !
– Eh bien tout le plaisir est pour vous. »
En effet, le pêcheur silencieux et sarcastique, merveilleusement incarné par Paolo Crocco, doit faire face à l’exubérance et au premier degré du suicidaire bavard auquel Ciro Cesarano apporte une fantaisie et une sensibilité qui le rendent très attachant. Le contraste entre les deux est assez jubilatoire et on se laisse totalement surprendre par la manière dont leur relation va évoluer.
Une farce pleine de rebondissements
Ah ça, pour être surpris… ce n’est rien de le dire ! La situation va prendre une tournure tout à fait rocambolesque et nous faire vivre des aventures d’une absurdité hilarante tandis qu’ils nous donnent à voir l’envers du décor. En effet, ils ne se contentent pas de décrire ou de réagir aux évènements desquels ils sont témoins, ils les incarnent, les jouent et les commentent même parfois depuis leur posture assumée de comédiens !
Et c’est ainsi que l’on se retrouve au cœur d’une partie de chasse – dont le grotesque nous a toutefois un peu moins convaincus que le reste – puis sur un paquebot en pleine tempête au milieu des requins… (du lac donc !). On rit aussi beaucoup à chaque fois que le pêcheur lance sa canne à pêche sans ligne dans l’eau avec la plus grande des normalités ; ou quand les deux hommes se rejoignent dans le même délire d’une conversation téléphonique imaginaire ! Après tout, comme le dit le pêcheur : « On ne croit qu’à ce que l’on veut croire ! »
L’homme et le pêcheur nous ravissent !
Derrière cette forme très divertissante, les deux comédiens clownesques questionnent la relation que chacun de nous entretient avec ses rêves, ses peurs, ses besoins, ses frustrations ou encore ses désirs profonds. Avec la vie en somme, avec la mort aussi. L’écriture est très fine, pleine de subtilités, de jeux de mots, de poésie. La mise en scène de Ciro Cesarano, appuyée par les lumières d’Orazio Trotta et les effets sonores immersifs de Matteo Gallus, est quant à elle habile, surprenante et très efficace.
Nous avons été surpris. Surpris, oui, par l’expérience que nous étions en train de vivre autant que par la maîtrise des auteurs et comédiens d’un genre, ou plutôt d’un mélange de genres, bien plus périlleux qu’il n’y paraît. Et nous sommes restés captivés et quelque peu enchantés d’un bout à l’autre. C’est une pièce qui ne ressemble à aucune autre de celles que nous avons pu voir jusque là. Elle a sa propre empreinte, et c’est probablement ce qu’il peut arriver de meilleur à un spectacle.
L’homme et le pêcheur, de Jean-Marc Catella, Ciro Cesarano, Fabio Gorgolini, avec Ciro Cesarano & Paolo Crocco, se joue au Théâtre Pierre de Lune, du 7 au 29 juillet, à 19h15.
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Avis
Avec beaucoup de maîtrise, l'homme et le pêcheur nous fait sans cesse voyager entre le réel et l'imaginaire, le comique et le tragique, la salle de théâtre et l'esprit torturé d'un homme. Et l'expérience théâtrale que nous font vivre ces deux excellents comédiens est d'une grande originalité.
Un commentaire
Bravo à deux comédiens ! Excellente pièce et grande maîtrise théâtrale. Cette pièce mérite d’être connue.