La voix d’or est le nouveau spectacle musical et choral d’Éric Bu, qui nous emmène dans une histoire d’amour passionnelle d’après-guerre.
La voix d’or était l’un de nos espoirs de ce OFF. Nous vous avions même fait part des quatre bonnes raisons que nous avions de ne pas manquer cette nouvelle création d’Éric Bu, co-auteur de l’excellent spectacle aux deux Molières, Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?
C’est donc avec beaucoup d’impatience et d’excitation que nous sommes allés nous plonger dans cette saga familiale. Beaucoup d’attentes aussi, forcément, et c’est toujours un risque. Mais s’il y a bien une chose qui n’était pas au rendez-vous de ce spectacle, c’est la déception. Ainsi, après Jonasz au grenier qui venait, à la tombée de la nuit, clore en musique et en douceur notre premier jour du OFF, La voix d’or s’inscrit probablement comme l’une des meilleures manières de commencer une journée de festival !
Le théâtre de la vie !
D’or il n’y a pas que la voix dans ce spectacle signé Éric Bu et Thibaud Houdinière. Mais tout de même, commençons par cela. Car ça swingue avec élégance dès les premières secondes pour nous plonger dans le vif du sujet. Guillaume est producteur de théâtre, il attend que son ami Éric, dramaturge et metteur en scène, lui livre une pièce à produire. Sauf que voilà, cela fait un an qu’Éric n’a pas écrit une ligne. Pas même un statut Facebook ! Mais c’est alors que, au fil de leur discussion, Guillaume va lui livrer sur un plateau le thème de leur prochain spectacle…
En effet, son grand-père avait un talent dont il s’était juré de faire quelque chose au retour de la guerre. On l’appelait « La voix d’or ». Et voilà alors le théâtre qui se plonge dans le théâtre… Vertigineuse mise en abyme à laquelle on assiste avec beaucoup d’enthousiasme, et qui va nous faire traverser les frontières, les époques, à la poursuite d’une histoire d’amour passionnelle et tourmentée entre deux vedettes de la chanson de l’après-guerre.
Quand le passé se met brillamment en scène
La construction de la pièce est génialissime. En effet, tandis qu’Éric et Guillaume se plongent dans l’histoire de cette Voix d’or pour trouver et réunir les éléments qui participeront à la construction du récit, nous revivons des moments-clés de la vie de cet homme, et donc inévitablement aussi de celle de Guillaume, de sa mère, de ses grands-parents. Autant de personnages que l’on découvre sur scène et qui déroulent leurs souvenirs à mesure que la structure de l’histoire s’articule.
Mais il ne s’agit pas de simples flashbacks, non. Les scènes du passé apparaissent comme si elles étaient déjà en train d’être jouées par les futurs comédien.ne.s du spectacle qui est en train de s’écrire ! Scènes et comédien.ne.s avec lesquel.le.s Éric et Guillaume interagissent d’ailleurs librement, ce qui apporte une vraie fraîcheur à l’ensemble, de l’humour, et une dynamique qui ne laisse pas de répit.
Éric Bu, fidèle à ce que nous connaissons de son talent et de son inventivité dans Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? et Le retour de Richard de Richard 3 par le train de 9h24, met en scène avec une certaine malice et la complicité des lumières de Cécile Trulleyer, les changements de lieux, d’époques et autres transitions. On est tour à tour surpris, amusé, charmé. Des morceaux de chansons ponctuent habilement le récit, accompagnées en bord de scène par le piano de Stéphane Isidore à qui l’on doit aussi les quelques créations originales du spectacle. À Paris, Mignonne, Douce France, Tu me fais tourner la tête, La vie en rose, La bohème… Autant d’airs que l’on ne peut bien sûr pas s’empêcher de fredonner.
Une formidable réunion d’artistes
Quant au jeu des six comédien.ne.s qui se partagent cette histoire romanesque, nous ne savions plus où donner de l’attention tant ils rivalisent de talent. À commencer par Élodie Menant, bien sûr, qui irradie de grâce dans le rôle de la mère, et dont le grain de voix lorsqu’elle chante nous attrape le cœur. Encore. Clin d’œil ou hasard, nous avons souri en reconnaissant dans un bref moment, la voix de son personnage d’Arletty qu’elle interprétait brillamment dans Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?
Charlie Fargialla, dont nous avions déjà noté la belle présence dans Les crapauds fous, de Mélody Mourey, est solaire. Sandrine Seubille, merveilleuse, nous a charmés. Grégory Benchenafi est juste et en impose dans le rôle ce grand-père froid et peu aimé. On rit beaucoup avec le personnage cabotin d’Éric, incarné avec beaucoup d’énergie par un Marc Citti drôle et attachant. Il mène la danse de cette épopée aux côtés du captivant Benjamin Egner, qui nous livre l’un des moments les plus touchants lors du discours bouleversant de sincérité de Guillaume à l’enterrement de ce grand-père qui était pour lui une énigme.
Bref, on sourit, on rit, on est ému, on chante… on se retient même très fort de danser avec eux sur Alexandrie Alexandra ! et on ressort de cette Voix d’or heureux !
La voix d’or, d’Éric Bu, Thibaud Houdinière mise en scène Éric Bu, Sandrine Seubille, Élodie Menant, Grégory Benchenafi, Marc Citti, Benjamin Egner, Charlie Fargialla et Stéphane Isidore (pianiste), se joue au Théâtre Actuel, du 7 au 29 juillet, à 11h45 (relâche les mercredis).
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Avis
Entre mélodrame et comédie, ce spectacle musical et choral virevoltant est inspiré d'une histoire vraie. La mise en scène parfaitement orchestrée d'Éric Bu est une fois de plus un régal. Voilà, à n'en pas douter, l'un des grands succès de ce Festival.