Au risque de la joie nous emmène dans le cabinet d’une psychanalyste qui se souvient de patients aux destins singuliers.
Dans ce seul en scène intimiste, Esther Ebbo adapte des extraits de l’ouvrage de la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle, L’éloge du risque. On y rencontre des témoignages de personnages confrontés à des problématiques de vie variées qui nécessiteront toutes, à un moment donné, d’oser. Oser dépasser des peurs, prendre des risques, se réinventer, pour ouvrir la voie des possibles et cheminer vers la liberté. Un joli seul en scène qui nous a toutefois laissés un peu sur notre faim.
Morceaux choisis
Un double fauteuil en velours, appelé fauteuil conversation, disposé sur un grand et réconfortant tapis, composent le décor sobre de ce qui nous apparaît comme le cabinet d’un thérapeute. Dans une mise en scène sobre enveloppée d’une ambiance lumineuse intimiste, Esther Ebbo incarne à la fois les patient.e.s et le thérapeute. Mais elle se fait aussi la voix d’une pensée plus universelle qui vient chercher sa résonance dans le parcours de chacun.e de nous.
La rupture après une passion dévorante ; un homme qui a perdu sa femme dans un accident de voiture ; une femme qui ne supporte pas de se voir nue ; une autre quittée par un vulgaire post-it sur le frigo ; une mère parvenant difficilement à survivre au deuil de son enfant ; ou encore un homme qui boit pour perdre pieds tandis que l’inceste apparaît, enfoui sous des couches de drames et d’amnésie… Les thèmes abordés sont nombreux et variés, et la détresse côtoie l’espoir.
De l’intime à l’universel
Sur la cinquantaine de chapitres de l’ouvrage de la psychanalyste, Esther Ebbo en a conservé 16 qu’elle nous livre avec beaucoup de fluidité, de naturel, et une jolie présence. Les confidences rapportées des patients s’entremêlent aux analyses personnelles de la thérapeute tandis que des extraits sonores, des sons de piano ou des voix d’enfants s’élèvent çà-et-là, comme pour prolonger ces paroles que la comédienne incarne jusque dans son corps.
Ainsi, des réflexions philosophiques, existentielles, se frayent un chemin entre ces témoignages. Le texte d’Anne Dufourmantelle nous parle alors merveilleusement de la passion, qui remplit tout l’espace ; du rôle prophétique de nos souvenirs ; de la rupture comme d’une nouvelle naissance au monde ; du rire et du rêve qui créent une échappée, qui font corps et libèrent ; de l’enfance qui révèle l’envers du monde…
« L’épreuve est dans cet équilibre conquis sur le vide. À tout instant, tout peut se rompre. »
La lumière d’Yvan Morane se teinte parfois de nuances chaleureuses, d’autres fois plus froides ou étouffantes selon les thématiques abordées. Le propos est intéressant, adapté avec rythme, même si certains extraits de séances sont un peu moins accessibles que d’autres. Pour autant, nous avons eu du mal à percevoir ce que nous pourrions garder de tout cela et à être touchés par cette ribambelle de morceaux de vie qui s’enchaînent aléatoirement. Le sens de certains choix de mise en scène, de déplacements, nous a aussi parfois manqué.
L’espoir et la résilience comme options possibles, toujours. Voilà sans doute ce qui, finalement, nous restera de cette pièce. Car, entre les lignes de ces récits intimes, de ces vies qui tentent de se démêler, l’autrice évoque la possibilité de reconquérir une liberté perdue, d’aborder l’avenir différemment, de se réinventer à partir de ce passé revécu ou rêvé. Au risque de l’incertitude, de l’inattendu, de se tromper, de chuter, d’aimer. Mais aussi de se rencontrer soi-même… Au risque de la joie.
Au risque de la joie, d’après Éloge du risque d’Anne Dufourmantelle, adaptation et mise en scène Esther Ebbo, avec Esther Ebbo, se joue au Théâtre du Chêne noir, du 7 au 29 juillet, à 13h50 (relâche les lundis).
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Avis
Dans un dialogue constant avec les spectateurs, Esther Ebbo nous invite à retrouver l'enfant en nous et à oser d'autres perceptions pour vivre mieux avec ce que nous avons été et ce que nous sommes. Une pièce qui nous rappelle aussi le pouvoir cathartique de la parole.