Alice Guy, Mademoiselle Cinéma nous emmène à la rencontre d’une réalisatrice pionnière de l’histoire du cinéma.
Première cinéaste au monde et précurseuse à bien des niveaux, Alice Guy est pourtant inconnue du grand public. Une injustice qui questionne forcément quand on découvre sa vie, son parcours et son influence sur le cinéma.
Cette pièce lui rend hommage et nous invite à mieux connaître les origines de l’un des Arts aujourd’hui les plus populaires, sans réussir toutefois à nous transporter complètement. Arrêt sur image.
Une femme à la conquête de son existence
Elle avait 21 ans quand tout a commencé. Après dix années passées dans un couvent, dotée d’un enthousiasme passionné et d’un certain génie, Alice Guy ne voulait qu’une chose : être libre et indépendante. Et rien que ça, à la fin du 19ème siècle, c’était déjà avant-gardiste ! Lire, écrire, raconter des histoires, voilà ce qu’elle aimait le plus et ce vers quoi elle voulait orienter sa vie.
« Être une femme cinéaste, c’est se battre sans cesse. »
Ses études de sténo-dactylo la plongent d’abord dans un univers où elle n’est entourée que d’hommes, à une époque où les questions d’égalité n’en étaient pas. Mais sa détermination ne la fait reculer devant rien. Ainsi, grâce à ses références et au soutien d’un certain Gustave Eiffel, elle trouve un poste au Comptoir Général de la Photographie, la plus grande maison de photographie de la capitale. Puis, sans pouvoir pour autant abandonner le secrétariat, elle rejoint la Direction de la production cinématographique chez Gaumont et commence alors à toucher du doigt son rêve…
Flashback sur les prémices du cinéma
Quelques passages didactiques, habilement construits, viennent combler nos lacunes. Comme cette rétrospective projetée qui fait défiler l’évolution des techniques et appareils qui ont écrit l’histoire du cinéma. Les premiers dessins animés, les premières photographies animées, les premières images animées projetées, ou encore le théâtre optique, jusqu’à l’invention du fameux cinématographe par les Frères Lumières, « qui reproduit la vie ».
Et il est amusant de découvrir que tous ne voyaient là qu’une évolution technique, et que les films créés n’avaient alors d’autre ambition que de servir de démonstrateurs pour le matériel ! Et pour cause, la photographie n’avait jusqu’alors servi qu’à la Science. Tous, sauf Alice Guy qui, elle, voyait bien plus loin. Et si l’on projetait ces films dans des salles pour divertir les gens ? Sans le savoir, la jeune femme venait d’inventer le cinéma. Et, en 1896, elle réalisait La Fée aux choux, le premier film de fiction.
Focus sur une grande dame et son époque
On découvre l’histoire passionnante de cette femme indépendante et visionnaire, et… forcément, on se demande pourquoi nous n’avions jamais entendu parler d’elle avant. Car il est évident qu’elle fait partie des pionniers de l’histoire du cinéma, au même titre que les plus populaires Georges Méliès, Louis Lumière, Léon Gaumont, ou encore Gustave Eiffel. Autant de figures masculines (voilà peut-être notre réponse…) interprétées par Lennie Coindreaux et Jérémie Hamon.
Mais l’histoire d’Alice Guy est bien plus que son histoire. Elle est également l’occasion de traverser des bouts d’Histoire comme le dramatique incendie du Bazar de la Charité, mis en lumière ces dernières années grâce à la série télévisée du même nom, qui entraîna l’interdiction des projections et des tournages. Une interdiction toutefois vite rattrapée par les enjeux économiques de cette invention révolutionnaire.
L’occasion aussi de redécouvrir la difficulté pour une femme de se faire sa place dans « des affaires d’homme », les prémices du féminisme et les questionnements naissants quant à la priorisation de la carrière de l’homme au sein d’un couple, par exemple.
« Le cinéma était ma passion, et j’ai été trahie par lui. »
En effet, Alice Guy abandonnera tout pour suivre son mari aux États-Unis. Et si elle trouvera d’abord là-bas le succès en fondant sa propre compagnie et en créant des films dans lesquels les femmes tiendront des places importantes – avec des titres aux sonorités audacieuses pour l’époque comme « Madame a des envies » – l’assistante devenue productrice finira par refaire le chemin en sens inverse suite à la faillite de son mari et autres déconvenues qui réduiront sa carrière à néant…
Une pièce monochrome
L’histoire est intéressante, le récit bien mené et les projections d’images et vidéos d’archive – notamment des films d’Alice Guy – amènent une forme de réalisme qui crée un rendu assez vivant. Cette Alice Guy, interprétée par Caroline Rainette, est une figure admirable et inspirante de son époque, qui a réalisé plus de 1000 films à l’aube du cinéma, et qui est à l’origine de ce que l’on appelle le « jeu naturel ».
Pour autant, il manque à cette pièce de la texture, du relief, une intensité, des nuances, un je-ne-sais-quoi pour que la magie opère. Un ressenti qui tient sans doute à la scénographie très épurée, et au fait que nous avons eu du mal à nous détacher du jeu assez figé des comédiens, à oublier la pièce pour nous plonger véritablement dans le texte et dans le récit de cette existence. D’autant que l’on a parfois un peu de mal à distinguer les différents personnages interprétés par Lennie Coindeaux & Jérémie Hamon.
À défaut de ressortir conquis, on ressort instruit, et c’est aussi l’une des missions du théâtre que l’on apprécie.
Alice Guy, Mademoiselle Cinéma, de Caroline Rainette, mise en scène Lennie Coindeaux & Caroline Rainette, avec Caroline Rainette, Lennie Coindeaux & Jérémie Hamon, se joue au Théâtre Barretta, du 7 au 29 juillet à 18h30 (relâche les dimanches).
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Avis
On a plaisir à découvrir l'histoire de cette femme, née à Saint-Mandé, pionnière du cinéma et pourtant totalement éclipsée de son histoire. Sur près de mille films réalisés, une grande majorité a complètement disparu, tandis que certains ont été crédités à d'autres.