Une goutte d’eau dans un nuage est un seul en scène pluvieux qui nous emmène dans un voyage théâtral et sonore envoûtant.
Une goutte d’eau dans un nuage est l’histoire vraie d’une femme qui s’expatrie à Saïgon et nous raconte. Se raconte. C’est une parenthèse enchantée dans laquelle nous nous sommes blottis le temps d’un spectacle – ou plutôt d’un voyage – d’une originalité folle. Un dépaysement total. Nous avons trouvé notre petit bijou de ce Festival Off 2021.
Un véritable talent de conteuse
Elle arrive sur scène avec sa valise et son ciré rose. Embarquement immédiat pour Ho Chi Minh. Avec une voix que l’on écouterait pendant des heures, elle raconte la ville électrique, la ville grouillante, ses odeurs, ses sons, ses atmosphères, sa jungle. Et c’est comme une poésie qu’elle nous livre. Notre attention est suspendue à ses mots presque sussurés. Car, tout autant que la destination, ce sont eux qui nous font voyager.
En effet, le texte d’Eloïse Mercier est un petit bijou. Délicat, puissamment évocateur, presque charnel, il peint les paysages, arrondit tous les angles. Il décrit l’immense, l’évident, mais aussi le subtile, l’infime, « tout ce qu’on n’entend pas parce que le bruit est trop fort. » Chaque phrase est un voyage à elle seule.
Un voyage tout aussi intérieur
A travers son regard, sa sensibilité, nous redécouvrons cette ville qui nous est déjà familière. Son air étouffant, ses bruits incessants, son agitation permanente, ses habitants qui grouillent comme des fourmis, ses pluies diluviennes. Elle décrit le vertige, l’étourdissement. Celui qui vient de dehors, mais pas seulement.
Car c’est aussi d’un voyage intérieur dont il est question. Celui d’une femme perméable, submergée par ses doutes. Elle nous parle de A et de B, des rencontres qui bouleversent le cours des choses, des jours qui se succèdent jusqu’à devenir le quotidien, de ces pluies de mousson qui menacent parfois de la faire déborder de l’intérieur. Un changement de paysage, de décor, de peau.
Un spectacle totalement immersif
La mise en scène est à l’image du reste : inventive et poétique. Des vidéos apparaissent sur l’écran du vieux poste de télévision, une musique s’élève du tourne-disque sur lequel tourne un scooter miniature, elle ouvre son parapluie rose pour se protéger de la pluie… En arrière-plan, les bruits de la ville, de la pluie, des gouttes d’eau qui éclaboussent, des oiseaux, de la voix de A… Une partition immersive créée à partir d’enregistrements faits au Vietnam.
Une averse s’abattant soudainement sur la forêt nous laisse fascinés ; le bruit d’un linge délicatement essoré devient caresse. Et puis, soudainement, l’orage que nous avions senti gronder explose. La goutte d’eau devient celle qui fait déborder le vase. Et sur un air de techno qui s’affole, les mots se précipitent pour décrire le changement de la ville, celui du monde en perdition. La modernité qui avale tout mais ne digère rien, les repères qui se brouillent.
Puis la parenthèse se referme, et nous sommes déjà nostalgiques de ce moment d’une délicatesse infinie. Un immense coup de cœur.
Une goutte d’eau dans un nuage, de et avec Eloïse Mercier, mis en scène par Eloïse Mercier, se joue au Théâtre Transversal, à Avignon, du 07 au 31 juillet à 19h15. Relâche les mardis.
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