La paix dans le monde est l’histoire d’un amour fou, ou plutôt d’un amoureux jugé fou qui s’apprête à revoir celle qu’il aime toujours mais qu’il a eu interdiction d’approcher pendant quinze ans.
La paix dans le monde, voilà une pièce qui nous pose un petit problème. A la fameuse question de fin de spectacle ‘Alors, vous avez aimé ?’ que l’on ne nous a heureusement pas posée cette fois, nous n’aurions pas su quoi répondre ! Oui, sans doute que nous l’avons aimée, parce que si ça n’avait pas été le cas nous aurions su le dire sans hésitation. Mais pas franchement non plus, car nous n’irions pas jusqu’à la conseiller à tout le monde…
Alors, pour La paix dans le monde, nous allons rester là, dans cet entre deux, dans ce flou artistique qui nous oblige à réfléchir encore à cette pièce et à son impact évident.
Le récit d’un amour hors-norme
La paix dans le monde est le dernier volet d’une trilogie théâtrale dont chacun peut être vu indépendamment. Nous n’avons d’ailleurs pas eu l’occasion de voir les précédents. Tous racontent l’histoire de Simon et Lucie. Simon est un être à part. Sa singularité se ressent immédiatement, en même temps que sa sensibilité.
Le récit qu’il nous livre est intime, puissant ; c’est celui d’une passion dévorante, qui enferme, isole. Une situation que la scénographie assez froide et dépouillée traduit parfaitement. C’est un personnage qui suscite l’intérêt, l’interrogation, l’empathie. Il a aimé une femme, mais mal, et en a payé le prix pendant quinze ans. Mais à présent que l’interdiction de la voir est levée, et à présent qu’il se sent prêt, il n’est obsédé que par une chose : la retrouver.
Une présence pleine d’élégance
Lucie – jouée par par Emma de Caunes – est elle aussi présente, mais d’une autre manière. En effet, un monologue filmé et des photos projetées permettent de la faire exister dans cet espace. Elle apparaît belle, envoûtante. Les photos de Vanessa Filho sont sublimes, elles illuminent l’espace. Ce choix artistique apporte une profondeur supplémentaire au spectacle. Ce personnage de Lucie, presque mystifié, semble planer tout au long de la pièce, ce qui nous aide à mieux comprendre la passion que Simon lui voue. Et on s’attache à elle, à lui, à eux.
Il y a de la destruction dans leur histoire, quelque chose de probablement un peu malsain dans le lien qui les unit, et on hésite à espérer que Lucie ressentira la même chose au moment de leurs retrouvailles. Mais à les regarder l’un l’autre, blottis dans cette tendresse, il semble que rien d’autre ne pourrait avoir davantage de sens. Que cette histoire est de celles qui échappent à tout, à commencer par la raison.
Une interprétation infiniment délicate
La paix dans le monde n’est pas la pièce la plus facile à pénétrer. Son rythme est lent, les rebondissements peu nombreux, le texte bavard, et même sa mise en scène n’a pas de quoi distraire. Pourtant, et malgré quelques longueurs dans la dernière partie, la délicatesse de l’interprétation de Frédéric Andrau nous empêche de décrocher.
Car le comédien est captivant, littéralement habité par son personnage. Il ne parle pas fort, laisse entrevoir la fragilité de Simon à travers la manière dont il nous raconte son amour maladif pour Lucie, la conscience des démons qui l’habitent et qu’il tente de dompter, sa volonté de ne pas lui faire de mal. Bon, à bien y réfléchir, la réponse est oui. Oui, on aimé cette pièce. On a aimé Simon et Lucie. Et surtout, on a aimé regarder ce comédien merveilleux nous permettre de toucher du doigt l’âme de son personnage.
La paix dans le monde, avec Frédéric Andrau, écrit et mis en scène par Diastème, se joue à l’Artéphile, à Avignon, du 05 au 27 juillet à 14h05. Relâche les 07, 14 et 21 juillet.
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