Claudel retrace de manière brillante le destin tragique de la sculptrice aussi célèbre qu’incomprise Camille Claudel.
La pièce s’ouvre sur le premier cours de sculpture de l’une des seules écoles ouvrant ses portes aux femmes. Le professeur, un certain Rodin, remarque tout de suite Camille Claudel qui se distingue par son audace, son impertinence, mais surtout son talent. Et à travers la sculpture, ce sont de grandes ambitions qu’elle nourrit : vaincre les inégalités et atteindre la liberté. Alors, quand Rodin lui propose de travailler pour lui, elle accepte. Mais elle ignore que cette décision la mènera vers la folie et la solitude.
Une mise en scène délicate et esthétique
Dès les premiers instants, la beauté émanant de cette pièce nous a subjugués. Tout s’accorde à merveille, tout sonne incroyablement juste dans ce décor ou les couleurs du plâtre, de l’argile, du marbre, de la matière brute dominent. L’atmosphère se teinte parfois de nuances plus sombres, mettant ainsi en relief le trouble qui émerge et s’empare peu à peu de la jeune femme.
La présence sur scène de sculptures vivantes chorégraphiées par trois danseurs crée une véritable œuvre d’art autour de l’histoire de cette artiste incomprise. Des corps en mouvement sculptent également les scènes les plus intimes comme la première nuit d’amour entre Rodin et Claudel, ou bien l’avortement de cette dernière.
Un condensé de talent
Les comédiens et les danseurs sont absolument tous brillants, et Célia Catalifo est particulièrement renversante dans le rôle de Camille Claudel. Elle nous séduit, nous attendrit, nous bouleverse avec la même intensité, la même grâce. Le duo charismatique qu’elle forme avec Swan Demarsan – dans le rôle de Rodin – est fascinant.
On ressent les subtilités de ce qui se joue entre eux, de la naissance de ce léger trouble qui les effleure jusqu’à cette tension charnelle palpable, puis cette passion interdite dans laquelle admiration et amour se mêlent. Quant aux danseurs, leur performance mérite l’admiration tant ils se confondent parfois avec la matière.
Une immersion dans la vie de l’artiste et de la femme
Cette pièce expose avec finesse le désir brûlant de Claudel de traduire dans ses œuvres ce qui touche à l’intime, à l’émotion. On y découvre son amour destructeur pour Rodin qui n’égale toutefois pas sa passion pour la sculpture, mais aussi la manière dont évoluent les relations avec ses parents. Et notamment le rejet de sa mère qui lui reproche d’avoir sali l’honneur de la famille en acceptant de travailler pour un homme à la réputation scabreuse, ainsi que le lien tendre et ambivalent avec son frère Paul.
Nous n’avons pas l’impression de regarder cette œuvre mais de l’habiter. De rencontrer cette artiste, de s’imprégner de son univers et de vivre à ses côtés cette ascension puis cette descente aux enfers que rien ne laissait présager. Un grand moment de théâtre.
Claudel, écrit et mis en scène par Wendy Beckett, avec Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Clovis Fouin, Christine Gagnepain et Mathilde Rance, se joue au théâtre La Condition des Soies, à Avignon, du 05 au 28 juillet 2019, au à 22h30. Relâche le 11, 17 et 24.
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