37 heures retrace avec beaucoup de justesse et de simplicité le parcours d’une adolescente confrontée à des violences sexuelles.
37 heures est inspiré d’une histoire vraie. Une parmi des milliers d’autres plus ou moins similaires. Celle d’une adolescente d’abord séduite par un homme plus âgé qu’elle, puis prisonnière de son emprise pendant plusieurs années. Un seule en scène puissant, vibrant et bouleversant qui arrivera à Paris dès janvier prochain.
Un récit tristement universel
« 2001, j’ai 16 ans, je ne m’aime pas beaucoup. » C’est par ces mots que commence le récit de Camille, une jeune femme dont la vie a basculé le jour où elle a croisé la route de Christian, son moniteur d’auto-école. Un homme âgé de 13 ans de plus qu’elle, et qui n’avait clairement rien à enseigner aux autres en termes de « bonne conduite ». 16 ans, c’est l’âge qu’elle avait. Mais c’est aussi le temps qu’il lui aura fallu pour trouver les mots pour le dire et se libérer d’un silence étouffant.

Le récit qu’elle nous fait n’est pas chronologique, mais les allers-retours dans le temps sont habiles et ne nous perdent jamais. On replonge dans son adolescence, ses amitiés, ses idéaux ; on découvre l’impact du traumatisme dans la vie de la femme qu’elle est devenue. Et puis, bien sûr, on revit avec elle ces leçons de conduite qui ont fait vaciller son existence. Heure par heure.
37 heures : le temps de l’emprise
C’est le récit d’une relation d’emprise qui aura duré cinq ans. Cinq années d’abus, d’un engrenage infernal où sidération, manipulation affective, silence imposé et honte ont tissé leur toile autour de la vie de cette jeune fille. Un « quinquennat » comme elle le nomme. « Alors, charmante demoiselle… » ; « T’es vraiment une fille spéciale » ; « Tu es très mature pour ton âge »… Des propos de prédateur qui nous font évidemment grincer des dents à leur écoute. Surtout lorsqu’ils cèdent de temps à autre la place à d’autres, agressifs et humiliants.

Et puis il y a les séances chez la psy, les dépositions au commissariat, le long parcours pour s’en sortir, les mécanismes de la mémoire traumatique (rarement expliqués au théâtre), ou encore la difficulté à être reconnue en tant que victime. Comment réussir à l’être d’ailleurs lorsqu’on est soi-même encore prisonnière de la honte et de la culpabilité ? La comédienne interprète avec talent de nombreux personnages qui font parfois naître des rires dans le public par leurs réactions et/ou propos déconcertants, qui reflètent malheureusement une réalité.
Un spectacle brillant et nécessaire
37 heures est venu nous attraper le cœur. Le spectacle en lui-même, forcément, et ce propos qui vient inévitablement résonner quelque part dans notre histoire lorsqu’on est une femme. Mais aussi cette comédienne merveilleuse, si juste, si sensible et si simple dans sa manière de l’aborder et de nous en faire le récit. Difficile de ne pas penser à Éva Rami et à la manière dont elle nous avait bouleversés dans son seule en scène grandiose, Va aimer ! où elle aborde les relations de domination et d’enfermement avec une intelligence rare.

Tout est ici parfaitement dosé. La mise en scène de Pauline Bertani et Mikaël Teyssié est épurée, subtile. Elle ne cherche pas à rendre l’ensemble plus dramatique ou sensationnel qu’il ne l’est. Au contraire, elle sublime la puissance de l’interprétation d’Elsa Adroguer. Des voix enregistrées résonnent parfois, des indications contextuelles et des messages sont projetés, des variations de rythme donnent une dynamique à l’ensemble. 37 heures est un superbe spectacle, autant sur le plan esthétique que théâtral. Et sans aucune hésitation l’un de nos coups de cœur de cette année.
37 heures, de et avec Elsa Adroguer, mise en scène Elsa Adroguer, Mikaël Teyssié et Pauline Bertani, se joue du 5 au 26 juillet 2025 à La Scala Provence.
Puis à La Scala Paris à partir de janvier 2026.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon 2025 ici.

Avis
Elsa Adroguer dévoile ici des talents d'autrice et de comédienne indiscutables. Tout y est d'une justesse confondante et nous permet d'avancer avec elle sur un fil tout au long du spectacle, sans jamais tomber dans le vide. C'est en quittant la salle que nous aurons finalement laissé échapper une larme, émus par ce mélange puissant de beauté et de violence.