À l’occasion de la sortie de la suite de 3 zéros, on revient sur cette comédie sans humour sur le milieu du ballon rond qu’elle était déjà vingt-deux années plus tôt.
Quand on parle de grands réalisateurs français, rapidement, le nom de Fabien Onteniente disparaît. Il serait pourtant injuste de ne pas reconnaître à ce dernier un véritable succès populaire, ayant su attirer, tout au long d’une filmographie s’étendant sur plus de trente années, de Jet Set à Camping 3, près de 20 millions de spectateurs. Si l’on épargne quelques ratés encore plus mérités que les autres (Turf et surtout All Inclusive, que vous serez normalement obligé de visionner à votre arrivée en enfer), 3 zéros fut l’un de ceux qui sera définitivement parvenu à se faire une place. Ainsi, malgré un score plutôt timide d’1,2 millions de spectateurs, malgré un sujet aussi populaire, la comédie de Fabien Onteniente, devra son culte à son exploitation vidéo, s’apprêtant aujourd’hui à dévoiler sa suite, vingt-deux années après l’original, sobrement baptisée 4 zéros.
Parce que très étonnamment, 3 zéros a beaucoup vieilli. Si, déjà, la comédie de Fabien Onteniente, co-écrite avec le fidèle Philippe Guillard, ex-rugbyman et futur coscénariste de Camping et Disco, et Emmanuel Booz, ex-chanteur, abordait la « peopolisation » des footballeurs et les collaborations commerciales, il reposait surtout sur une vision très grossière du ballon rond. Si Gérard Lanvin confiera s’être beaucoup inspiré de conversations de bar pour ses répliques, il en est ainsi de même pour l’ensemble du métrage, émaillé (entre autres) de clichés et de sexisme, le temps lui réservant un sort bien moins enviable qu’un film sorti vingt-trois années plus tôt, le véritablement culte Coup de tête de Jean-Jacques Annaud. On revient donc sur cette comédie datée à l’aube de la sortie de sa suite, dont on se demande franchement par quel(s) spectateur(s) était-elle réellement attendue.
Zéro finesse
Dans 3 zéros, il n’est donc nulle question de dentelle : les jeunes et les joueurs de foot sont idiots, les femmes vénales (pauvre Léa Drucker en début de carrière) ou bien nulles sur le terrain, le milieu du ballon rond pourri jusqu’à la moelle (sans aucune réelle autre dénonciation qu’un humour potache), et tout sera sauvé par l’indétrônable boomer, héros testostéroné à l’ancienne, ersatz d’Alain Delon en fin de carrière, campé par un acteur qui en a fait sa spécialité : Gérard Lanvin. On y suivra ainsi les aventures de Manu (Samuel Le Bihan), escroc sans envergure, et Tibor (Lorànt Deutsch), génie du football accroc à la course automobile en mode tuning, deux taulards devenus amis, scellant le pacte de devenir agent de l’autre pour le faire jouer en équipe de France.
Au cours de leurs pérégrinations, ils croiseront, entre autres, un agent à l’ancienne venu donner un coup de main et prendre sa revanche contre d’anciens rivaux (Gérard Lanvin, « obligé d’enculer les autres enculés« , on cite), des femmes de footballeurs décérébrées, et un joueur tout aussi fin, campé par l’oublié Stomy Bugsy (débutant ici une grande carrière cinématographique avant Gomez et Tavarès). Il suffit ainsi d’admirer la mise en scène de Fabien Onteniente, avouant ici signer son premier vrai film de cinéma, décrire en quelques scènes le Brésil : entre une rangée de postérieurs féminins, et un remix de bossa-nova version auto-tamponneuses, le cinéaste marque effectivement le septième art à tout jamais.
Zéro passion
Sous prétexte de livrer une vision populaire du football, le réalisateur et ses scénaristes se moquent surtout de manière crasse d’un public montré comme une masse décérébrée encourageant un système idiot, artificiel et complètement cupide. Le réalisateur sacrifie de plus, malgré sa soi-disant passion et une collaboration officielle approuvée par le PSG (en plus des apparitions de Rolland Courbis, Luis Fernandez, Jean-Pierre Papin ou encore Ronaldinho, Thierry Roland et Lilian Thuram) , les scènes de Parc des Princes et de communion populaire au profit de dialogues de comédie lourdauds, et déjà horriblement datés pour l’époque, avec sextape et autres ressorts de comédie au ras du pantalon, complètement affligeants. Une véritable démonstration fascinante de vide, aussi creuse qu’un ballon rond, qui ne résulte ici ni d’une passion, ni même de la volonté d’en tirer une comédie satirique un minimum construite, mais révélant simplement un mépris et un crachat envers tout un public.
Parce que 3 zéros ne parle jamais tant de sport et de ses sujets sérieux, d’intérêts financiers juteux et d’un système carnassier et écœurant, que de tout ce qui l’entoure, comme pour dévier les vrais sujets en s’emparant des bruits de couloirs, de bars et de sanitaires, et à la manière de Jet-Set et de son deuxième opus par la suite, Fabien Onteniente de se contentant simplement de filmer le spectacle du vide. Où les méchants sont méchants mais idiots (Gérard Darmon, entamant ici une filmographie descendante) et où les gentils sont gentils mais idiots aussi, et surtout, que le football c’est un milieu pourri mais que c’est quand même gentil parce qu’au moins on est ensemble.
Zéro remise en question
Malheureusement, rien ne semble avoir changé pour Fabien Onteniente, qui après des écarts vers le drame télévisuel suite à l’échec d’All Inclusive, semble adopter la même formule déjà rouillée il y a vingt-deux années pour sa suite, sobrement baptisée 4 zéros. Une affiche hideuse, un casting improbable, allant de Didier Bourdon à Kaaris, de Benzema à Stomy Bugsy en passant par Shy’m.
Au regard de la bande-annonce, difficile de se rendre compte de l’écart temporel qui sépare les deux films, tant, à part la qualité vidéo, rien ne semble avoir réellement changé dans la vision du ballon rond et de la comédie de Fabien Onteniente, ici entouré au scénario d’Antoine Fourlon, jeune réalisateur et scénariste du récent Chasse gardée. Jeunes, classe populaire, tous idiots, à part ce bon vieux héros à l’ancienne décongelé d’un glorieux et lointain passé (fantasmé), où l’on avait la classe, et une répartie telle que « c’est moi le mec qu’ait bouffé le pangolin, t’as vu la suite ?« . Effectivement, on s’imagine facilement la suite, d’une pandémie de mauvais-goût qui déferlera dans de nombreuses salles françaises ce mercredi.