Si je vous dis… la première révélation cinématographique
Beetlejuice de Tim Burton. Ça été un vrai choc quand j’étais gamin. Son univers était si particulier que j’avais l’impression de n’avoir jamais vu ça. L’étrangeté des designs, de l’histoire, l’humour décalé, la musique de Danny Elfman… Tout ça m’a beaucoup marqué. Un autre film : Mars Attacks. C’est après la séance de ce film que j’ai décidé de faire du cinéma. Il faut dire qu’avant je voulais faire de l’animation. J’avais fait des études d’arts plastiques et j’ai aimé le mélange de cinéma d’animation et de film que proposait celui-là.
La Quatrième Dimension
Je l’ajouterais aux révélations enfantines. Quand j’avais cinq ans, mon père regardait la série. Il y avait un épisode avec un marionnettiste qui m’avait terrifié. Le discours avec Rod Sterling au début de chaque épisode où il dit « on pénètre dans La Quatrième Dimension » et d’une certaine manière « on évacue le réalisme » me parle.
Le film d’enfance, celui que l’on garde avec soi les années passant…
Indiana Jones et le Temple Maudit. Je sais que ça n’est pas le préféré de tout le monde mais moi c’est mon fétiche. C’est un film au rythme dingue, qui mélange tous les genres. Le côté macabre m’avait plus parlé, la scène de l’arrachage de cœur m’avait aussi frappé enfant. C’est dans le même acabit que les Goonies, Gremlins… Ça vient peut-être de l’esprit cartoon que j’ai et que peut-être j’aurais l’occasion de développer dans d’autres projets.
Hollywood
Ça m’inspire des très grands films. Moins maintenant, ça c’est clair. J’ai l’impression qu’à la fin des années 70 ou début des années 80 on faisait des blockbusters sans prendre trop les gens pour des imbéciles. Qui ira dire en voyant Terminator 2 que c’est imbécile ? Maintenant les films sont comme branchés sur un signal à 1000 hertz : c’est à fond la caisse tout le temps. Je trouve ça un peu ennuyeux.
Les caméras de surveillance
Je suis assez intéressé par les infos passées par un filtre. J’ai toujours trouvé intéressant la voix au bout d’un téléphone ou la restitution d’une caméra de surveillance. Ça crée chez moi une sorte de paranoïa. Tout le thème de Nemesis tient dans ça : est-ce que ce que je vois n’est pas un peu trafiqué, est-ce que c’est pas un peu détourné ? En grand amateur d’astrophysique, je suis fasciné par le principe anthropique (NDLR : se dit anthropique ce qui peut être conséquent de la présence ou de l’action de l’Homme). J’aime cette idée que de toi à moi, de la parole dite à la parole entendue, il y a une perte. Tu auras une façon de recevoir les choses en fonction de tes critères. Dans le film, il y a un lien à tout ça : un gars surveille, écoute et transmet des infos qui crée une cabale contre un autre personnage. La résultante de tout ça c’est une paranoïa. C’est un peu l’ère qu’on vit actuellement, dont la résultante à long terme risque d’être de la parano.
La fin ouverte
J’avais envie de traiter le film comme un cauchemar, qui agglutine des pensées, des angoisses. Quand on sort d’un mauvais rêve, on est souvent parcouru par une drôle de sensation. J’ai du mal à l’expliciter d’ailleurs. Je sais que certaines personnes reçoivent mal mon film, qu’il le trouve « non-sensique ». Sauf que pour moi, expliquer ce qui s’y déroule correspond à un état d’éveil. J’avais envie que le lien avec mon métragefilm soit émotif, qu’il essaie d’attirer le spectateur par la sensation.
La VHS
J’ai grandi avec ça. Plus tu l’utilises, plus elle est s’abîme et plus le message est détérioré. J’ai eu un choc par exemple quand j’ai découvert Massacre à la Tronçonneuse en version restaurée au cinéma. L’idée que j’avais de ce film, c’était le grain, le côté sale… Et la nouvelle version, je l’ai mal vécu (rires). À ce moment-là, je me suis rendu compte que ce genre de filtre influe sur ta perception. Ça a forgé un imaginaire.
Les comics
Tous les arts graphiques m’ont parlé. Le lien que j’entretiens avec eux n’est pas uniquement intellectuel. Parfois, une couverture de BD m’évoque mille choses différentes. On m’a parfois dit que le soin apporté à l’image dans mes films était ostentatoire. Je le comprends mais je ne suis pas d’accord. Le cinéma est un art de vampires qui a absorbé les autres. Je pense la chose comme un tout. Il me reste toujours des films dont les souvenirs sont brumeux non pas un bout d’histoire ou un morceau de jeu mais une image, un son, une musique.
Le cinéma de genre
Mon attachement au cinéma de genre vient aussi de sa proposition graphique souvent supérieure à un film qu’on dirait « classique ». Les gens retiennent des films de Mario Bava les images. Ce qu’il me restait du Suspiria de Dario Argento, c’était aussi les images. Le récit du film n’est pas en soi révolutionnaire, alors que la manière de le faire est mémorable. La scène d’ouverture à ce titre est extraordinaire. Sur le scénario il devait y avoir écrit « la jeune femme sort de l’aéroport ». Tu peux en faire un panoramique de la jeune femme qui s’extrait du lieu. Alors que quand tu regardes ce que lui en a fait ! L’image reste il me semble, elle supporte mieux le passage du temps.
La durée ? (NDLR : Nemesis dure 1h15)
Premièrement, la durée du film est liée au budget. Avec l’argent qu’on avait, il était inespéré de faire un film de deux heures. Et puis je trouve que la tendance aujourd’hui, c’est d’assister à des films qui durent longtemps mais pas toujours pour le mieux. Il y a bien parfois 30 minutes qui pourraient être enlevées. Mon histoire était elle pensée dès le début pour durer 1h15, pas plus. La bonne durée vient en fonction de ce que tu veux raconter et de ta pulsion de départ. Et puis je me suis dit : « si les gens se font chier, au moins ça ne durera pas longtemps » (rires). Ça se voit quand on étire les éléments artificiellement.
Roddy Piper / John Nada (acteur / personnage principal d’Invasion Los Angeles) est proche physiquement de Rusty Joiner, l’acteur principal de Nemesis
Pour être franc, au début nous n’allions pas faire ça. On allait vers quelqu’un d’assez fragile. Malgré tout, l’agence nous envoie cet acteur costaud, Rusty Joiner, bâti physiquement de manière bizarre, un peu comme Roddy Piper. Or c’était l’acteur qui jouait le mieux. Je me suis aussi dit que comme on suggérait que le personnage pouvait tuer des gens, il fallait quelqu’un qui puisse faire dire au spectateur qu’il était physiquement dangereux. Il y avait aussi sa volonté qui nous a convaincu, un élément essentiel sur un tournage de douze jours.
Les transitions
J’essaie de faire attention au rythme des films, d’enchaîner les descentes et les remontées. Là, les transitions sont importantes. Les plans sur les nuages ou sur les animaux entre les scènes sont là aussi pour rappeler l’omniprésence de la lueur rouge. Quelque chose dans le ciel a peut être une influence dans le film. Le budget m’a aussi contraint à penser la mise en scène autrement. Je pense que quand tu as de l’argent, tu as instinctivement envie de tout faire voir. Là, j’ai du faire comprendre les choses autrement. Carpenter, Raimi, Jackson… Ce sont des cinéastes qui ont réussi à faire surgir des choses dans le modèle de la débrouille. Dans le premier Alien, le fantasme du monstre vient du mystère de son apparition, qui arrive très tard. Ces gens m’inspirent.
Le changement de titre (NDLR : Sam Was Here est devenu Nemesis)
Pour être honnête, c’est ici le choix du distributeur. Sam Was Here reste le titre international, Nemesis n’est que le titre « français ». Le distributeur voulait un mot plus facilement identifiable tout en rappelant l’idée de justice par soi-même (NDLR : Nemesis est le nom de la déesse grecque de la Vengeance et de la Justice). Cela fait écho aux gens qui peuplent le film. Mais dans mon cœur et mon esprit, le titre du film reste Sam Was Here. Si ce nouveau titre permet d’attirer des gens qui verront le film, tant mieux. Je suis obligé de faire confiance à des gens qui sont des professionnels du marketing.