Zoé [et maintenant les vivants] raconte le parcours vers la vie d’une famille confrontée à la mort de l’un de ses membres.
Zoé [et maintenant les vivants] est le deuxième projet d’écriture du talentueux Théo Askolovitch après son seul en scène, 66 jours, également sur le thème de la réparation.
Nous le suivons depuis que nous avons découvert son talent de comédien il y a un an dans l’excellente et audacieuse adaptation de Dom Juan du tout aussi brillant Tigran Mekhitarian. Nous avons d’ailleurs pris beaucoup de plaisir à les retrouver ensemble sur scène cet été à Avignon, dans La maladie de la famille M, dont Théo Askolovitch signait la mise en scène. Dans ce récit intime et autobiographique, il nous raconte la vie, pendant et après la mort. Un bijou.
La mort qui entre sans frapper
« Ma mère est morte un vendredi ». Le sujet est posé. Il avait 14 ans, sa grande sœur 17. Une mort arrivée sans prévenir, la veille du départ en vacances. Un rendez-vous à l’hôpital le jeudi pour une opération bénigne. « Ça ira mieux demain » disait alors le père. Mais demain n’a jamais eu lieu pour Zoé, et tout a volé en éclats. Dix ans plus tard, les trois vivants de cette famille se retrouvent et racontent les étapes de leur deuil, de leur reconstruction, la vie qui cicatrise.
Qu’ils sont brillants ! Tous les trois, vraiment. Dans les rôles du frère, de la sœur et du père endeuillé.es, Théo Askolovitch, Marilou Aussilloux (qui collabore artistiquement à la création) et Serge Avédikian nous embarquent dans leur histoire. Enfin, dans celle de leurs personnages, bien sûr, mais ils ressemblent tellement à une famille que c’est à s’y méprendre ! Parce qu’ils sont vrais. Et la tendresse, la complicité, l’affection qu’ils partagent jusque dans les regards qu’ils s’adressent les rend infiniment beaux et touchants !
Une création aboutie dans le fond et la forme
Le jeune auteur aborde les thèmes du décès et du deuil sous l’angle de l’émotion bien sûr, de tout ce qui bascule soudain brutalement, mais aussi sous celui de la culture, des coutumes, des croyances. Sans jamais chercher à imposer quoi que ce soit ni prétendre avoir trouvé le « bon » mode d’emploi, il nous raconte son chemin, celui de ses proches. Et il nous parle alors de la Shiva, cette tradition funéraire juive qui invite à observer une période de deuil de sept jours tout en respectant un certain nombre de règles dont la rigueur peut surprendre. Une manière d’accueillir le chagrin et de transiter en douceur vers la vie d’après, nous explique-t-il.
La finesse et la simplicité avec lesquelles il s’empare de ces sujets, tout en les questionnant avec une évidente sincérité, témoignent d’une véritable intelligence artistique. C’est habile, délicat, pertinent. Si bien qu’il suscite immédiatement notre curiosité, nous donne envie de mieux comprendre, d’en savoir plus. Et quelle meilleure manière d’ouvrir les esprits au fond ?
« Je vis sans elle mais elle est partout. »
Une intelligence artistique que l’on retrouve d’ailleurs dans sa mise en scène. Car sur ce plateau nu, là aussi il y a de la vie, du mouvement, un lien inextricable entre passé et présent, entre le drame et son souvenir, entre le manque de l’absente et la présence réconfortante des vivants, entre les comédiens et le public confident aussi. L’utilisation brillante des créations vidéo de Jules Bonnel projetées sur l’immense écran en fond de scène rend certains tableaux particulièrement poétiques et touchants, tout comme les superbes choix de musiques. Rien n’est là par hasard, et tout fonctionne à merveille.
Un hymne à la vie et à l’amour
Zoé [et maintenant les vivants] est une pièce qui parle de la mort sans tourner autour, de manière directe, simple, avec le flot d’émotions pas toujours simple à accepter, à comprendre, à digérer, qu’elle draine dans son sillage. Le propos bouleverse inévitablement, et pourtant, on rit aussi. On rit de leur manière de réécrire l’histoire, de s’arranger parfois avec la réalité, avec leurs souvenirs, de la façon dont ils se provoquent, se taquinent, s’aiment. Et c’est avec un sourire que nous avons quitté la salle. Un sourire, et même un sentiment inattendu de réconfort.
Car oui, au fond, c’est confortable de voir un tel sujet être abordé de manière si vraie, si spontanée presque. L’écriture de Théo Askolovitch ne cherche pas à dramatiser, à relativiser, ni à diaboliser. Il prend la mort et nous la livre telle qu’elle est, avec son lot d’incompréhensions, de craintes, de contradictions ; avec les interrogations, les bouleversements, les apprentissages, les conflits aussi, parfois, qu’elle engendre. Et surtout, il le fait avec une humanité et une humilité qui font de cette pièce une véritable pépite.
Chacun son moyen de survivre le temps que la douleur s’apaise et que le printemps jaillisse à nouveau après tout. Voilà qui pourrait résumer cette superbe création qui parle de la mort, mais qui fait triompher la vie de manière presque miraculeuse. C’est tendre, c’est drôle, c’est fort… c’est la pièce que nous attendions. Celle qui vient faire des étincelles dans le cœur et fait se lever d’un bond dès qu’il est temps et que les doux mots d’Aragon se taisent, pour applaudir plus haut, plus fort. Merci Théo Askolovitch.
Zoé [et maintenant les vivants], texte et mise en scène Théo Askolovitch, avec Théo Askolovitch, Marilou Aussilloux, Serge Avédikian se joue du 05 au 21 octobre 2023 au Théâtre Ouvert.
Avis
Il y a beaucoup d'amour, de tendresse, de partage, de vie dans cette pièce très contemporaine. Le jeu saisissant de vérité de ces trois comédien.ne.s vient parler à nos blessures et nos inquiétudes profondes avec un sourire en coin qui nous réconforte.