Truffaut – Correspondance est un spectacle impressionniste qui dresse le portrait du cinéaste à travers un choix de lettres.
À travers une sélection de lettres truffées de références, ce (presque) seul en scène donne voix à la personnalité du célèbre cinéaste français, figure majeure de la Nouvelle Vague et véritable cinéphile. Truffaut – Correspondance nous parle de l’homme et de l’artiste sans fard, mais aussi de son époque.
Truffaut : le cinéaste mais surtout l’homme
Dans l’ambiance feutrée de son salon, Truffaut répond aux courriers qu’on lui a adressés, évoque avec une sincérité amusante tous ces « chefs d’œuvre » qu’il a refusé d’adapter à l’écran. Et c’est ce qui nous saisit tout de suite et force notre attention : ce tempérament très « nature » qui le rend touchant et même drôle malgré lui. Car on pourrait imaginer que, lorsqu’on s’appelle Truffaut, on n’a pas le temps (ni forcément l’envie de le prendre) de répondre à toutes celles et ceux qui envoient leurs œuvres dans l’espoir d’attirer l’attention « du maître », de sortir du lot.
Pourtant, il prend ce temps, exprime les raisons de son refus, de son désintérêt. Et si ses lettres sont toujours sans filtre et souvent tranchantes, on sent que la démarche n’est nullement mal intentionnée et que sa seule volonté est d’être sincère. Pas même sûr qu’il s’agisse de volonté d’ailleurs, plutôt d’un tempérament. Truffaut nous apparaît ainsi comme un homme qui assume ses idées et surtout ses postures. Et sa maîtrise des mots rend cette franchise poétique et dévoile la sensibilité de l’homme derrière l’exigence du cinéaste.
Truffaut – Correspondance, le portrait vivant d’un cinéphile
La scénographie intimiste créé l’atmosphère chaleureuse idéale à ces lectures aux airs de confidences. Éparpillés çà-et-là sur la scène pour parfaire l’aura artistique du décor : des exemplaires de la plus ancienne et célèbre des revues de cinéma françaises à laquelle il prêta sa plume critique, Les Cahiers du cinéma. Et si les projections ne nous ont, en revanche, semblé présenter que peu d’intérêt en elles-mêmes, elles permettent néanmoins d’englober l’espace de jeu et d’ajouter à ce côté intimiste.
David Nathanson est captivant dans le rôle de Truffaut qu’il interprète avec une jolie présence. On aime à le regarder et à l’écouter nous livrer cette prose qui parle de cinéma, de politique ; dans laquelle Truffaut évoque son enfance, la naissance de ses filles ou encore sa complicité avec elles dans une scène particulièrement jolie et touchante. Seul le passage de la lettre coup de gueule à Godart nous a semblé un peu trop longuement joué avec la même énergie, celle de la colère. Un manque de nuances qui a fini par nous faire décrocher un peu malgré la beauté de l’écriture. Et puis il y a Antoine Ouvrad, en alternance avec Pierre Courriol, qui apporte la ponctuation musicale à ces lectures. Sa présence au piano est loin d’être anecdotique et contribue à rendre ces écrits vivants et à accompagner l’émotion qui s’en dégage.
« Les films ressemblent aux gens qui les font. »
Si les néophytes trouveront matière à apprécier le spectacle et la prestation des deux artistes sur scène, il faut toutefois reconnaître que l’absence de contextualisation associée aux nombreuses références qui s’enchaînent parfois à toute vitesse, en mots comme en musique, peuvent créer des temps un peu flous et faire de ce spectacle un texte à trous. En effet, les cinéphiles seront plus à même d’apprécier ce Truffaut – Correspondance dans toute sa dimension.
Truffaut – Correspondance, de François Truffaut, mise en scène Judith D’Aleazzo & David Nathanson, avec David Nathanson, Antoine Ouvrard & Pierre Courriol, se joue jusqu’au 10 novembre 2024 au Théâtre du Lucernaire.
Avis
Si les références peuvent parfois manquer, nul besoin d'être cinéphile pour apprécier la beauté de la plume qui jaillit de ces lettres et nous fait rencontrer un véritable auteur à l'esprit aussi vif que son intelligence. Une rencontre intéressante et surprenante avec l'un des plus grand cinéastes de son époque.