Le fondamental The Host ressort en salles dans une toute nouvelle version restaurée en 4K. L’occasion de se pencher à nouveau sur cet étonnant film du grand Bong Joon-ho (Memories of Murder, Parasite), qui peut se sans aucun doute se targuer d’être le plus grand film de monstre de ce début du millénaire.
The Host est un film important à bien des égards ! Outre le fait qu’il s’agissait à l’époque du premier film coréen vu par celui qui écrit ces lignes, le troisième film de Bong Joon-ho demeure encore aujourd’hui son plus gros succès sur le territoire coréen, et un pari totalement audacieux à l’époque de sa confection !
Auréolé de la réception positive de Barking Dogs Never Bite et surtout le chef-d’œuvresque Memories of Murder, Bong Joon-ho se voit proposer la réalisation d’un film de monstre dans la plus pure tradition du genre (inutile de répéter que la figure de Godzilla est une figure importante au sein du continent asiatique). C’est donc avec un budget d’un peu plus de 10 millions de dollars que le cinéaste accouchera d’une petite perle de genre.
Poisson mutant
The Host débute par une scène d’intro prenant place en 2002 (et réellement inspirée d’un fait réel de l’an 2000) dans une morgue de Séoul. Un pathologiste américain ordonne à son subordonné coréen de déverser dans le fleuve Han tout le stock périmé de formaldéhyde. Puis en l’espace de deux séquences se déroulant quelques années plus tard, un inquiétant phénomène se dessine : deux pêcheurs découvrent une sorte de poisson mutant, et un homme a le temps de discerner une masse monstrueuse sous l’eau avant de se suicider.

En 2006, Park Gang-du (le grand Song Kang-ho) est un père célibataire que d’aucun qualifierai de gauche ou paresseux. Il vit avec sa fille Hyun-seo et Hee-bong (le grand-père), tout en s’affairant quotidiennement à tenir le kiosque familial au bord du fleuve. Mais leur vie va changer radicalement le jour où un monstre amphibien va attaquer toute la population présente, et emmener Hyun-seo. Alors que le gouvernement tente d’endiguer cette menace, Gang-du va tout faire pour sauver sa fille, épaulé de son père, de sœur archère (Bae Doona) et de son frère alcoolique (Park Hae-il).
Mariage des genres
Rien qu’avec ce synopsis, The Host préfigure de toutes les obsessions de Bong Joon-ho : amour du genre, dynamiques familiales, mariage d’humour et de tension, maîtrise de l’action et du suspense, ainsi qu’une importante charge politique. Outre la lutte des classes (thème que l’on retrouvait dans Memories of Murder, Snowpiercer et bien entendu Parasite), la main de fer qui tenait la Corée jusqu’à la fin du XXe siècle fut un important terreau créatif pour toute une nouvelle vague du cinéma coréen (avec Park Chan-wook, Na Hong-jin et Kim Jee-woon).
The Host ne fait donc pas exception, tant il s’agit d’un des films les plus riches du cinéaste, balançant ses ruptures de ton avec une aisance rare, et une constance rarement égalée. Ainsi, outre la dimension monster movie (le titre original « Gwoemul » signifie « Monstre ») ultra efficace, c’est bien le drama familial et le pamphlet politique qui élèvent le film vers de nouvelles cimes !

Comme toujours, le casting est un des gros points forts du film : on ne présente plus Song Kang-ho (superstar de plusieurs films de Bong Joon-ho et Kim Jee-woon), complètement crédible en père pathétiquement attachant qui s’élèvera pour sauver sa fille. Chacun des acteurs apporte une dimension complémentaire à l’unité familiale, tout en gérant leur problématique propre (la fainéantise, la lenteur, la cohésion du groupe, et même le combat contre l’institution politique).
Gouvernement monstre
Empli d’humour et d’émotion (principalement centrée sur le personnage de Hyun-seo, avec une finalité plutôt surprenante pour le genre), The Host se révèle également terriblement accrocheur dans sa manière de dépeindre l’emprise de l’État face à une menace biologique (d’où le titre). Inspiré par l’épidémie du SRAS, il est d’ailleurs cocasse de voir les actions démesurées entreprises par les scientifiques et les militaires dans l’intrigue (quarantaine comprise) après la fameuse pandémie Covid.
Non content de taper sur le gouvernement, Bong Joon-ho dresse par ailleurs un portrait peu reluisant de l’influence américaine sur le pays (là encore immédiatement visible dans sa séquence d’intro ancrée dans le réel). Tout ceci trouvera donc son point d’orgue dans un superbe climax aux accents révolutionnaires, alors que le fameux monstre peut être vue comme la figure allégorique des actions étatiques !

The Host étant bien sûr un film de monstre (et il est présent sur de nombreux plans), il faut saluer le travail de Chin Wei-Chen et John Cox (deux artistes de Weta qui ont designé la créature), ainsi que les effets visuels de l’ancien studio Orphanage, capables de rendre crédible (et même impressionnant) un film au budget aussi faible. Le fameux monstre parait à la fois menaçant et maladroit, tout en ayant une démarche parfois chaloupée tel un animal blessé désireux de survivre !
Pour conclure, on pourrait déblatérer des heures sur The Host, un excellent film d’un grand cinéaste tout simplement, qui jouit d’une restauration 4K de toute beauté. Chaque détail explose à l’écran, permettant d’apprécier un peu plus la composition des cadres. Mais surtout, le fameux monstre bénéficie grandement d’un regain de travail des textures, pour un résultat encore plus palpable. Bref, une remastérisation de grande qualité, pour une œuvre séminale du cinéma coréen.
The Host ressortira au cinéma le 8 mars 2023 dans une nouvelle restauration en 4K
avis
Avec The Host, Bong Joon-ho décuplait un peu plus son savoir-faire dans ce qui s'apparente aisément comme le plus grand film de monstre récent. Un drame familial inspirant autant qu'une charge politique percutante, une œuvre qui embrasse l'excellence et plus belle que jamais !