Soudain Seuls confirme le talent de cinéaste de Thomas Bidegain dans une thérapie de couple survivaliste qui tient (presque) toutes ses promesses.
Soudain seuls confirme cette année, après la Palme d’Or remise à Anatomie d’une chute et le tendu L’Amour et les forêts, le goût de notre cinéma hexagonal pour la dissection de couples à bout de souffle. Thomas Bidegain, scénariste prestigieux ayant notamment contribué aux plus belles œuvres de Jacques Audiard, et ayant passé avec succès l’épreuve du premier long-métrage en tant que cinéaste avec Les Cowboys, déroge cependant à la règle du drame de tribunal où d’appartement en emmenant ses personnages au bout du monde, seuls et coupés de tous. Une ambition de survival qui évoque ainsi volontiers plus L’économie du couple de Joachim Lafosse que le Seul au monde de Robert Zemeckis.
Parce que malgré ses dépaysants et rapidement anxiogènes paysages de bout du monde, le scénario de Soudain seuls, adapté du roman éponyme de la navigatrice Isabelle Autissier, aurait très bien pu se voir transposer en plein confinement, à Paris, tant le long-métrage de Thomas Bidegain ne se sert finalement du survival que comme une thérapie de couple, sur le papier finalement assez convenue. Il n’en demeure pas moins une réussite, portée par deux acteurs investis et une tension prégnante amenant rapidement Soudain seuls vers ce que le cinéma français a su nous proposer de meilleur en cette fin d’année, malgré d’évidentes faiblesses.
L’économie du genre
Soudain seuls suit ainsi le tour du monde de Ben et Laura, ensemble depuis six années, et dont une tempête imprévue obligera le couple à s’isoler sur une île déserte hostile. Une promesse minérale donc, alliant le film de survie et le drame sentimental, dont on voit assez rapidement les limites de l’un et les forces de l’autre. Parce qu’à part une scène de chasse éprouvante et quelques impressionnants effets de tempête et une tentative d’échappatoire désespérée, ce qui intéresse réellement Thomas Bidegain, au-delà de signer un survival impressionnant et tendu, c’est de délivrer une peinture aboutie de son couple à bout de souffle. C’est ainsi ce qui fait à la fois la force et la limite de Soudain seuls.
N’échappant jamais au schéma attendu de ce genre de productions, Thomas Bidegain se contente ainsi consciemment de distiller l’essentiel, comme la construction d’un décor connu afin de laisser la part belle à ses deux formidables interprètes pour pleinement l’habiter. Écrin d’acteur idéal, où ont su briller des talents de renom tels que Tom Hanks, où plus récemment le duo déjanté Paul Dano et Daniel Radcliffe dans le génial Swiss Army Man, Gilles Lellouche et surtout Mélanie Thierry, tiennent ainsi sur leurs épaules toutes les forces principales du long-métrage. Si l’acteur ne semble ici que pour se délester peu à peu de son charisme brut, l’actrice délaisse ici avec brio ses rôles de femmes fragiles dans une prestation habitée menant Soudain seuls vers des sommets que le film n’atteindra cependant jamais. Son corps raconte ainsi toute la souffrance et la lutte perpétuelle pour la survie que le scénario de Thomas Bidegain se contente simplement d’effleurer.
Sauver l’amour
Soudain seuls, malgré ces quelques reproches, peut en plus de ses acteurs compter sur sa solide direction artistique, des notes inspirées de Raphael à la photographie étouffante de Nicolas Loir. Et même si l’ensemble s’avère finalement assez convenu sur le papier, on ne peut qu’admirer l’audace de Thomas Bidegain, qui pour son deuxième long-métrage en tant que cinéaste, ose s’attaquer de front à un genre très peu abordé dans nos contrées, en réussissant sur l’essentiel, à l’instar du récent En Plein Feu avec Alex Lutz. Ce dernier parvient en effet, en quelques éléments de décor seulement, à faire naître un climat désespéré et hostile, et de parvenir à le maintenir sur près de deux heures.
Autant de raisons qui font rapidement se dissiper l’impression d’assister à un énième film français sur un sujet rebattu, malgré un postulat plus ambitieux, pour se laisser enfermer deux heures durant devant cette promesse fragile mais néanmoins sincère et réussie. Et d’observer, cloisonné dans une salle de cinéma, comment sauver l’amour peut être une mission aussi ronflante que réellement périlleuse.
Soudain seuls est actuellement en salles.
Avis
Soudain seuls, malgré sa thérapie de couple et son schéma scénaristique assez convenus, n'en demeure pas moins un survival sincère et réussi. Ne se servant du genre que comme un écrin pour laisser briller ses deux formidables acteurs, Thomas Bidegain réussit ainsi sur l'essentiel.