Une ville menacée par les flammes. Deux enquêteurs confrontés à leurs propres ombres. L’incertitude qui s’étend comme une brume toxique. C’est pourquoi Smoke s’impose comme l’un des thrillers les plus puissants et nerveux de la rentrée.
Avec Smoke, Apple TV+ nous livre une plongée captivante dans la traque de pyromanes en série. La série mélange enquête criminelle, tension psychologique et introspection sur le poids des secrets.
Un pitch qui s’enflamme dès le départ
Dans une région du nord-ouest des États-Unis, une succession d’incendies criminels sème la peur. Elle détruit aussi les repères d’une communauté déjà fragilisée. Au cœur de ce chaos, l’enquêteur Dave Gudsen (interprété par Taron Egerton), expert en incendies, doit collaborer avec l’inspectrice Michelle Calderone (Jurnee Smollett), personnage complexe qui porte ses propres blessures. Leur mission : identifier et stopper deux pyromanes qui agissent dans l’ombre. Des esprits ravageurs qui transforment chaque flamme en énigme mortelle.

La série s’ouvre sur une atmosphère suffocante : le feu devient le miroir des secrets de la ville et de ses habitants, chaque nouvel incendie révélant une part de violence sourde ou de culpabilité refoulée. Dennis Lehane, créateur et scénariste (déjà salué pour Mystic River, Shutter Island et Black Bird), s’inspire d’une histoire vraie relatée par le podcast Firebug. Il explore les mécanismes du mal, la fascination pour la destruction, et les ressorts psychologiques du crime.
Apple TV+ : Le choix du thriller adulte
Apple TV+ confirme avec Smoke sa volonté d’offrir au public des séries d’enquêtes exigeantes, qui vont au-delà du simple divertissement pour proposer un vrai travail de fond sur l’ambiance et la complexité des personnages. Après Severance, Black Bird et Slow Horses, la plateforme poursuit sa ligne éditoriale sélective avec une œuvre à la fois sombre et nuancée, qui privilégie la tension contenue aux effets de manche.
Ici, pas de grands déploiements pyrotechniques : le suspense naît de la lente progression de l’investigation, de la confrontation entre deux tempéraments rongés par leurs propres failles, et de l’escalade psychologique face à la terreur. Le choix d’un rythme maîtrisé, presque contemplatif par moments, contraste avec les standards de Netflix ou Prime Video qui sont fondés sur le cliffhanger. Chez Apple, le feu couve plus qu’il n’explose, et cette maîtrise donne toute sa profondeur à l’expérience.
Un casting qui crame l’écran
La force de Smoke tient largement à l’interprétation habitée de ses deux têtes d’affiche. Taron Egerton, dans le rôle de Dave Gudsen, impose une présence rugueuse et tourmentée. Survivant d’un drame personnel, obsédé par la vérité mais hanté par sa propre part sombre, il donne à l’enquêteur une densité rare, déjà saluée dans Rocketman et Black Bird. Il incarne le héros ordinaire ébranlé par des événements extraordinaires.
À ses côtés, Jurnee Smollett (l’inspectrice Michelle Calderone) apporte une intensité émotionnelle, mélange de froideur professionnelle et d’empathie blessée. Son personnage constitue le socle moral de la série : elle jongle entre sa mission, ses doutes et une vie privée rendue instable par le poids de l’enquête.
Autour de ce duo, on retrouve Greg Kinnear, John Leguizamo, Rafe Spall, Ntare Mwine et Anna Chlumsky, tous au service d’une partition collective où chaque rôle symbolise une bûche de plus dans le brasier de la narration. Ntare Mwine est d’ailleurs salué pour sa performance qui apporte une originalité troublante à son personnage secondaire.

Une ambiance étouffante, marquée par la fumée
Le choix de la mise en scène fait la force de Smoke. On évolue dans un univers visuel marqué par les contrastes : lumières tamisées, décors urbains dévastés, intérieurs oppressants. Les réalisateurs (Kari Skogland, Joe Chappelle, Jim McKay) orchestrent une atmosphère poisseuse, où chaque plan évoque la suffocation, la tension, le malaise.
La bande-son, sur laquelle planent des compositions inédites, notamment une chanson originale signée Thom Yorke, appuie cette nervosité narrative.
Un rythme qui prend son temps
Smoke ne constitue pas une série d’action effrénée. Son rythme prend celui d’une traque, d’une obsession qui épuise à bas bruit. Les épisodes avancent comme des feuillets carbonisés : chaque séquence laisse derrière elle une odeur de suspense et d’inachevé. D’ailleurs, certains spectateurs apprécieront cette lenteur qui laisse place à la psychologie, à la construction des relations, à l’immersion dans le doute et la peur. Tandis que d’autres pourront y voir une faiblesse ou une frustration.
Mais ce parti pris narratif est assumé et revendiqué. Les créateurs insistent : c’est dans la patience et la tension contenue que s’exprime la vraie violence de l’histoire, et que chaque révélation – chaque sillage de fumée dans la nuit – prend toute son ampleur.
Des enjeux et des thèmes brûlants
Ce qui distingue Smoke des séries de genre classiques, c’est son refus d’une dichotomie simple entre bien et mal. Les pyromanes poursuivis ne sont pas de purs monstres, mais souvent des personnalités en rupture, portées par des pulsions incomprises et des traumatismes non résolus.
La série s’interroge sur la fascination du feu, la tentation de l’autodestruction, le poids des secrets familiaux. Elle pose aussi la question du pardon, du deuil, de la rédemption, et de la frontière fragile entre justice et vengeance. Dave Gudsen, l’enquêteur, doit affronter ses propres limites : jusqu’où peut-on brûler sa vie pour en sauver d’autres ?

Une suite déjà en préparation ?
Le succès critique et public de la série laisse présager une saison 2, même si aucune annonce officielle n’a été confirmée à ce jour. Les bases narratives sont posées : la fin de la saison laisse planer le doute, le spectateur est maintenu dans l’attente. Plusieurs acteurs et le créateur Dennis Lehane ont laissé entendre qu’ils aimeraient poursuivre l’exploration du potentiel psychologique et criminel de la série. D’autant plus dans cet univers où la matière du chaos est loin d’avoir livré tous ses secrets.
Smoke est disponible sur Apple TV+ depuis le 27 juin 2025
Avis
Smoke est une série ambitieuse, singulière, marquée par une direction artistique affirmée et un casting habité. Elle embrase l’écran sans chercher à l’incendier : lenteur, tension, et atmosphère suffocante créent la force du récit, parfois au détriment de l’efficacité classique du genre. C’est une expérience profonde, pour ceux qui aiment se perdre dans la fumée des énigmes humaines – plus qu’un simple thriller, une quête du sens dans les cendres du chaos.