Présenté en Compétition officielle Long Métrage du Festival International du Film d’Animation d’Annecy 2024, Slocum et moi est le récit de jeunesse de Jean-François Laguionie.
Le Festival d’Annecy accueille les films de Jean-François Laguionie depuis 1965, année où il révèle son court métrage La Demoiselle et le violoncelliste. Dès lors, il n’a jamais cessé de faire partie de la sélection, remportant différents prix à l’aide d’une œuvre personnelle. Ses films ont bercé des enfances, des vies, et continuent à le faire en poésie et en musique. Avec Slocum et moi, c’est sa propre vie que le réalisateur dessine à l’écran, un film qui est peut-être pour lui, « une œuvre de jeunesse ».
Une histoire vraie
Tout commence dans un atelier de dessin tandis qu’un jeune homme, le crayon à la main, esquisse des traits sur une toile. Il s’adresse à nous, spectateurs, et nous parle de son père, de l’époque où il ne savait pas encore qu’on le surnommait Slocum. Sous ses mots en voix-off, l’histoire prend vie ; sous ses coups de crayon, la maison de son enfance prend forme.
Slocum et moi se déroule dans les années 1950, en bord de Marne, alors que Jean-François est âgé de 11 ans. Ce film est le récit d’un rêve, celui de son père ; d’un trio familial soudé par la guerre plein de douceur et d’amour. Le réalisateur porte un regard rempli de tendresse et d’affection sur ses parents. Il les dessine tels qu’ils étaient, donnant une place centrale à l’expression de leur visage. Pierre est cet homme un peu bourru aux sourcils toujours froncés qui parle peu ; Geneviève une femme au regard bienveillant, toujours prête à aider son mari. Au milieu de leur couple, Jean-François vagabonde à ses activités, jusqu’au jour où le projet d’un bateau les unit.
« Un voyage immobile »
Pour le réalisateur et la scénariste Anik Le Ray, Slocum et moi est « un voyage immobile ». L’ensemble de l’intrigue se déroule dans un même lieu, dans cette maison d’un petit village en bord de Marne. C’est ici, dans le jardin, que Pierre construira un bateau sur plusieurs années, un projet qui demande de la patience et dont le but exact est flou, inconnu. Ce qui importe c’est finalement ce petit monde qui gravite autour, les liens qui se tissent, cette relation père-fils qui se bâtit, en même temps que la coque, le pont et la cabine du voilier. Tandis que le bateau prend forme, le récit gagne en profondeur.
Ce voyage immobile, on l’effectue également à travers un livre, le journal de bord de Joshua Slocum, le premier marin à avoir fait le tour du monde à la voile en solitaire. Jean-François se plonge dans cette lecture passionnante et nous fait naviguer avec lui sur les vastes étendues océaniques. La mer devient alors le lieu de tous les possibles, une aventure qui se dessine, littéralement.
Les traits du dessin
L’animation de Slocum et moi est partielle, un choix esthétique qui renvoie à la matière brute, aux tracés du crayon. Les dessins semblent esquissés, ils gardent cette sincérité du premier jet, le dynamisme d’une image en 2D obtenue grâce aux coups de crayon apparents. Le travail sur les ombres et la lumière confèrent de la profondeur à un dessin dont tous les éléments ne sont pas en mouvement. On imagine cette eau qui coule sans véritablement couler, ces feuilles qui bruissent en restant immobiles. L’animation, comme le film, prennent leur temps et on se laisse porter par eux.
Les dessins sont nourris par la partition composée par Pascal Le Pennec (Le Tableau, Louise en Hiver) et jouée par l’Orchestre symphonique de Bretagne. Celle-ci donne à entendre les émotions qui traversent les personnages, leur état d’esprit. A la musique s’ajoute la voix off de Jean-François, interprétée avec justesse par Elias Hauter, qui ponctue les plans de commentaires, de descriptions. Ses paroles font écho au silence de son père, un homme dont les pensées sont difficiles à sonder.
Slocum est moi est une plongée dans l’intimité familiale, un magnifique portrait aux trois visages.
Slocum et moi est à découvrir au Festival international du film d’animation d’Annecy 2024 et le 29 janvier 2025 au cinéma.
Avis
Jean-François Laguionie signe avec Slocum et moi une œuvre de jeunesse. En racontant l'histoire de son père, il nous emmène avec lui dans sa maison en bord de Marne, au début des années 1950. Un récit intime et plein de tendresse marqué par des dessins aux crayons. Un film qui nous fait voyager dans un jardin...