Se jeter à l’eau est une bande-dessinée qui effleure les thèmes de la préservation des écosystèmes marins et de la quête de soi.
Se jeter à l’eau, c’est ce que va faire – au sens propre comme au sens figuré – l’héroïne de cet album. Car Leïla est en proie à des interrogations existentielles. Elle ne se sent plus en phase avec sa vie tranquille de citadine et décide, un beau jour, de tout envoyer valser pour se rapprocher d’une vie plus connectée à ses valeurs profondes. Une vie plus proche de l’océan. Voilà un pitch qui avait tout pour nous séduire. Mais l’histoire nous perd et reste trop en surface des thèmes abordés.
L’appel de l’océan
C’est sur un drame malheureusement trop classique que s’ouvre l’album. Un navire se livre illégalement à la pêche à la baleine sous les yeux de l’organisation Save the Ocean qui protège les écosystèmes marins contre la pêche aux cétacés. Un acte cruel dont la violence tranche avec la douceur qui émane de cet océan Austral aux couleurs pastel.

Puis, nous revenons quelques mois en arrière. Nous sommes dans un aquarium, aux côtés de Leïla qui se trouvait sur les planches précédentes. On est d’abord un peu confus. On se demande ce qu’elle faisait dans cette scène de pêche à la baleine… Alors on y revient, et on comprend qu’elle se trouvait sur le bateau de Save the Ocean. Puis, tandis qu’elle achète un crabe vivant chez le poissonnier pour aller le relâcher dans la mer, on devine qu’elle est sensible au sort des espèces marines. Et que son envie de prendre davantage part à ce combat est en train de germer.
Une BD qui se contente de patauger
C’est un album qui se lit très vite. Trop vite en réalité. Car les thèmes abordés sont intéressants et infiniment riches. On s’attend donc à un contenu à la fois pédagogique et engagé. Or, ils ne sont pas explorés, à peine frôlés, et c’est terriblement frustrant. Car on n’apprend rien, on ne retient rien. Et on ne comprend pas même tout à fait le cheminement intérieur de Leila, ses interrogations, ses doutes, cette impulsion si soudaine…

D’ailleurs, il ne nous a pas du tout paru pertinent de démarrer l’histoire par la fin. Si ce procédé peut relativement bien fonctionner dans un roman, dans une bande-dessinée – qui plus est aussi brève – on a simplement l’impression d’être spoilé dès le début. Et cela vient renforcer le côté assez déstructuré de l’ensemble de l’album qui passe parfois d’une scène à une autre sans aucune logique ni fluidité. Ce qui trouble la compréhension et rend l’histoire bancale.
Un album qui manque de chaleur
Sur le plan graphique, nous sommes aussi restés sur notre faim. Si cela fait plaisir de découvrir une héroïne avec des formes et un corps qu’elle assume, les expressions de visage en revanche sont parfois un peu effrayantes. Ce qui nous fait passer à côté de certaines émotions et nous empêche de nous identifier et de nous attacher à Leila. Quant aux autres personnages, nous n’en parlons même pas car ils sont trop peu développés pour présenter un quelconque intérêt.

Du côté des décors, ce n’est guère mieux. Hormis la superbe couverture et les tonalités pastel des paysages océaniques qui mettent en valeur cet environnement, les décors sont souvent assez nus et tristes. Si bien que rien, ni dans le fond ni dans la forme, ne vient vraiment nous accrocher, nous émouvoir, nous faire nous sentir concernés. Quel dommage…
Se jeter à l’eau, de Gwénola Morizur et Elléa Bird, est paru le 10 mars 2022 aux Éditions Jungle.

Avis
Cet album oneshot nous laisse avec l'amertume de promesses non tenues. A défaut de plonger dans des thèmes aussi riches et actuels qu'essentiels, on surnage au-dessus d'eux, mais aussi au-dessus du décor et des personnages. Tout aurait mérité d'être creusé davantage.