On était à deux doigts de refaire la vanne du « meilleur film de l’année ? » dans le titre, mais finalement on a trouvé que curieux était un objectif plus approprié à Sale temps à l’hôtel El Royale. Ce qui n’enlève rien à sa qualité.
Le talent pour la déconstruction de Drew Goddard nous fascine depuis sa première réalisation – l’excellent La Cabane dans les Bois – et en tant que scénariste, on n’en parle même pas. C’est donc bien la curiosité (encore ce mot !) qui nous aura poussé à aller voir Sale Temps à l’hôtel El Royale, ne sachant absolument pas à quelle sauce Dewey nous mangerait.
Sur bien des points, le film représente le paroxysme du style du bonhomme tant il s’amuse à faire ce qu’il sait faire de mieux : bousculer nos attentes. À l’image de son introduction, le réalisateur nous manipulera tout du long en nous servant des scènes d’une incroyable banalité avant d’attirer notre attention sur un détail troublant, et conclure violemment. Son style possède ce quelque chose de tarantinesque, mais alors qu’on se demande constamment si le long-métrage tombera dans la folie exutoire, Goddard lui préfère une réalité bien plus cruelle.
Sale temps à l’hôtel El Royale, un questionnement permanent
Chaque personnage, chaque pan du scénario se veut écrit, filmé avec une seule idée directrice : ne nous laisser aucune certitude. Le qui, le quoi, le pourquoi, le cinéaste ne nous donnera que ce qu’il a envie de nous donner et jamais de la manière qu’on aurait imaginé. Un principe qui va au-delà de ce qu’on peut voir à l’écran puisqu’il touche aussi les thèmes que le métrage évoque, notamment la religion.
En choisissant l’année 1969 pour son histoire, Goddard confronte l’ancien monde avec le nouveau. Qu’est-ce que le bien ? Le mal ? Faut-il se taire face au racisme, à la misogynie, au fanatisme ? Le long-métrage n’apportera aucune réponse, ou très peu, seulement la notion de choix, l’envie de croire ou non. Le réalisateur ne laisse rien au hasard et chaque élément visuel, de la ligne frontalière aux miroirs, n’est qu’une symbolique de plus placée là pour laisser aux acteurs de cette tragédie le soin de prendre leurs propres décisions.
Loin des clichés apparents, Sale Temps à l’hôtel El Royale perturbe au plus haut point et démontre tout le talent de Drew Goddard pour la narration. Ce n’est pas le film qu’on était venus voir et on ne s’en plaindra pas.