En 2021, on a eu le droit à une féroce satire politique à travers le film d’Adam McKay, Don’t Look Up. N’ayant pas peur de se jeter la tête la première dans l’absurde à l’extrême afin de critiquer le comportement profondément stupide et égocentrique des leaders de ce monde. Le film canadien, Rumours, s’inscrit dans cette continuité avec un style bien à lui : une sorte de huis clos post-apo mi-zombie, mi-cauchemar.
La bonne vieille réunion du G7 avec ces leaders en train de discuter du futur de l’humanité autour d’un bon repas, partageant dans la convivialité des bouteilles de vin hors de prix. Tandis qu’ils ont pour mission de rédiger la déclaration provisoire, des phénomènes étranges semblent se dérouler autour d’eux… La fin du monde, une invasion zombie, une attaque extra-terrestre, une prise de pouvoir de l’IA ? Qu’importe, ces hommes et femmes doivent maintenant survivre dans une forêt à l’allure enchantée, sans oublier évidemment ce pourquoi ils sont là : écrire cette foutue déclaration provisoire.
Il faut l’admettre : le pitch est très intrigant et dans un premier temps, le film réussit son pari en proposant un univers atypique qu’on pourrait qualifier d’ovni. La plus grande qualité de Rumours s’avère être son jeu sur plusieurs styles à la fois, passant du récit satirique, au conte onirique, à la série Z pure et dure. Les réalisateurs canadiens, Guy Maddin, Evan et Galen Johnson, s’amusent avec les codes de différents genres cinématographiques et proposent ainsi une œuvre indéniablement originale.
Casting de haute volée
Pour incarner ce récit absurde, les réalisateurs avaient besoin d’une belle troupe de comédiens. Et autant dire qu’ils n’ont pas fait dans la demi-mesure avec entre autres : Cate Blanchett (parfaite comme toujours, elle joue la chancelière allemande), Denis Ménochet (président français interprété avec délice), Charles Dance (président américain quasi-sénile, vous comprenez la référence)… Mais aussi un étonnant Roy Dupuis en premier ministre du Canada, à la fois sensible et viril comme un héros mythologique – le film étant canadien, ils ont le droit à du chauvinisme ! Bref, tout ce beau monde joue impeccablement et il y a peu à redire de ce point de vue là.
De plus, la critique acerbe du monde politique est efficace, à défaut d’être brillante. La classe dirigeante en prend pour son compte en étant décrite comme des incapables égocentriques, plus intéressés par rédiger des discours qui brassent du vent, que de véritablement travailler pour un monde meilleur.
Une impression de tourner en rond
Rumours a certes de nombreuses qualités, mais il étire dans le temps un pitch sans jamais vraiment faire aller de l’avant l’histoire. Trop souvent, les mêmes mécaniques sont répétées inlassablement, ce qui fait sourire au début, mais on ne rit jamais franchement, alors que le film essaye ! En soi, c’est presque méta dans le sens que les politiciens essayent tout le long du film de rédiger la déclaration préliminaire du sommet, sauf qu’ils n’avancent pas d’un pouce.
Au final, alors que la forme ovni de Rumours devrait le rendre mémorable, on ressort au contraire un peu frustré. De la comédie satirique acide, on n’en perçoit que des brides. Ne vous méprenez pas, le film demeure tout à fait sympathique à regarder, mais quitte à partir dans un pitch improbable, on aurait aimé qu’il soit plus qu’une simple satire inoffensive.
Rumours n’a pour le moment pas de date de sortie en France. Retrouvez toutes nos critiques du Festival de Cannes 2024 ici.
Avis
Rumours se révèle trop peu viscéral et drôle dans sa satire des hommes et femmes politiques. Le film a beau critiquer, dénoncer, lyncher, il répète le même schéma narratif inlassablement sur toute la durée du récit et n'arrive pas à le faire évoluer véritablement. Bref, cela reste sympathique, mais complètement inoffensif.