Paris Police 1900, c’est la nouvelle et ambitieuse création originale CANAL + crée par Fabien Nury, auteur émérite de très grandes pages de la bande-dessinée francophone. Pour une série poisseuse et prenante.
Après l’excellente surprise OVNI(s), et avant Neuf Meufs d’Emma de Caunes, CANAL+ continue de démontrer son leadership en matière de créations originales françaises avec Paris Police 1900, qui annonce déjà de par son titre tout un programme. Une reconstitution soignée et haletante de l’époque avec en toile de fond l’affaire Dreyfus, l’antisémitisme, et des techniques policières qui s’affinent, sous la houlette de Fabien Nury, auteur reconnu de la sublime saga BD Il était une fois en France, qui avait déjà signé Guyane pour la célèbre chaîne cryptée. Et à l’image d’OVNI(s), Paris Police 1900 se sert de son époque lointaine pour évoquer des problèmes de société hélas toujours d’actualité.
Paris, capitale du vice
On trouve ainsi dans les premiers épisodes de Paris Police 1900 la volonté claire de restituer le plus fidèlement possible l’atmosphère poisseuse de l’époque. Et ce climat commence d’abord par nuire au développement des personnages et à celui de l’intrigue. De par la volonté de Fabien Nury d’un casting dénué de stars, ce désir de sécheresse étouffe au premier abord son admirable distribution. Ce récit choral ne mettant jamais clairement au centre aucun des personnages de la série, peut ainsi aisément se relier avec la vision d’une police gangrénée par l’antisémitisme avec le récent J’accuse de Roman Polanski. De par sa restitution d’humbles policiers étouffés par l’appareil judiciaire, incarnés par le duo good cop/bad cop de Jérémie Laheurte et Thibault Evrard, Paris Police 1900 rejoint ainsi le triste tableau de l’époque de Roman Polanski.
Des personnages et des décors froids, et une mécanique qui leur échappe et aura peu à peu raison des certitudes permettront cependant à Paris Police 1900 de quitter les étouffants cadres de J’accuse pour instiller une véritable tension. Parce qu’une fois les trois premiers épisodes et le décor planté, la série de Fabien Nury peut enfin montrer de sa superbe. Une ambition claire et tenue lors de 8 épisodes d’une heure chacun pour nous dépeindre une enquête faisant se côtoyer flics, antisémites et puissants. Et ainsi nous délivrer un portrait bien peu reluisant d’une époque dont les déchirements entrent directement en résonnance avec la nôtre.
Cinématraque
Parce que Paris Police 1900, en ne choisissant de ne prendre le point de vue d’aucun personnage, se met entièrement au service d’une intrigue menée tambour battant, fortement imprégnée d’un désir de cinéma. Un soin tout particulier est ainsi porté à l’imagerie gothique victorienne et poétique française directement empruntée à Lang, Clouzot et Becker. Derrière sa reconstitution lorgnant parfois vers le fétichisme déjà vu dans OVNI(s), la série dévoile derrière son intrigue tendue, de véritables morceaux de cinéma. Une photographie léchée et de superbes cadres, enfermant ainsi les personnages dans cette époque étouffante, mènent ainsi la série de Fabien Nury vers l’ambition affichée et ici pleinement assumée.
Ultra-fouillée et documentée, la restitution de ce Paris du début du 20ème siècle prend ainsi aux tripes, de par sa volonté d’un réalisme faisant froid dans le dos et frisant parfois l’horreur. Un parterre d’inconnus mènent ainsi la danse de la plus brillante des manières avec de vraies belles révélations, d’Evelyne Brochu à Marc Barbé en passant par le toujours impeccable second couteau Christian Hecq. Autant de raisons de vous pousser dans les bras de Paris Police 1900, qui derrière son ambition fait figure d’exemple dans un paysage cinématographique hexagonal s’en trouvant souvent tristement dénué. CANAL+ prouve ainsi, et de la plus belle des façons, le savoir-faire de nos auteurs et de par sa belle prise de risques, les beaux projets que cela peut (parfois) engendrer.