Manhunter marque la première adaptation du roman de Thomas Harris et la première apparition du célèbre Hannibal Lecter devant la caméra de Michael Mann. Pour un thriller à l’esthétique léchée cependant dénué de tension.
Le Sixième Sens, où Manhunter, malgré la présence de Michael Mann à la réalisation et du célèbre producteur Dino de Laurentiis s’est retrouvé étouffé par les succès consécutifs du Silence des Agneaux et du Sixième Sens de M. Night Shyamalan. Rebaptisé Manhunter, l’on peut encore s’étonner aujourd’hui du côté quelque peu confidentiel du troisième long-métrage de l’un des réalisateurs américains les plus importants de sa génération et de la première apparition d’un antagoniste culte, le fameux docteur cannibale Hannibal Lecter ici interprété par Brian Cox.
Pourtant, dès les premières minutes de Manhunter, force est de constater que le film est bel et bien une œuvre de Michael Mann. De ses cadrages travaillés, son esthétique léchée qui semble tout droit sortie de ses Miami Vice, le talent du réalisateur transpire de toutes les pores dans cette bulle 80’s convoquant parfois Blade Runner par ses notes synthétiques et ses villas désertées éclairées d’une lumière froide. Une esthétique qui atteint malheureusement rapidement ses limites et enferme le film dans un thriller arty dont les clins d’œil à une époque aux exercices de style parfois outranciers étouffent sa tension et son tueur fascinant.
Le 80’s sens
Ainsi, Manhunter souffre, derrière sa superbe direction artistique, d’un manque de torpeur et d’un rythme franchement inégal. Ses excès de style font ainsi suffoquer un récit manichéen qui laisse volontairement de côté le célèbre docteur cannibale pour se concentrer sur l’enquête menée par la psyché torturée de Will Graham, porté par le pourtant charismatique William Petersen. Délaissant ses fascinants tueurs pour le portrait d’un enquêteur tout puissant qui n’a finalement besoin de personne, Manhunter poursuit ce choix frustrant, même lorsque dans sa deuxième partie le film se consacre à son énigmatique tueur porté par la superbe interprétation de Tom Noonan.
Et c’est alors que le récit semble patauger, malgré ses superbes idées de mise en scène. Alternant de plats allers-retours entre Graham et le tueur qui ne suscitent ici plus aucune tension, Manhunter peine ainsi à nous mener vers un final intéressant, semblant expédier le tout dans une fusillade avec un air de déjà-vu, rythmée par une bande originale trop envahissante.
De la torpeur des ses vidéos de famille disséquées, des ces intérieurs froids et ces psychés malades, il ne restera ainsi rien qu’un thriller qui porte toutes les marques de son époque et de l’indiscutable talent de son réalisateur. Rien de moins, rien de plus, ce qui est un peu frustrant, surtout lorsque l’on s’attendait à quelque chose de plus saignant. N’est-ce pas, Docteur Lecter ?