La grande sortie cinéma de cette réouverture tant espérée, c’est le Mandibules de Quentin Dupieux. Et malgré ses grandes ailes, le neuvième film du réalisateur ne vole (hélas) pas très haut.
Boudé en France dès son deuxième long-métrage Steak, le DJ-Réalisateur Quentin Dupieux aura pourtant signé depuis l’Amérique quelques fabuleuses fantaisies, emmenant avec lui nombre de cinéphiles au sein d’une filmographie aussi productive qu’originale.
Du méta Rubber à l’absurde Wrong, en passant par la comédie policière Wrong Cops tous menés de haut par les sommets du fantastique Réalité, première et brillante conclusion de la filmographie du réalisateur, ce dernier s’en est revenu depuis quelques années en France. Son retour a donc débuté avec Au Poste!, relecture fantasque de films policiers des années 70, enchainé avec un rythme effréné par le génial Le Daim, Mandibules et prochainement Incroyable mais vrai, avec de nouveau Alain Chabat en tête d’affiche.
Mandibules donc, semble renouer avec Steak et l’amour de Quentin Dupieux pour les films de duos au pitch original tenant sur une boîte d’allumettes : après Eric et Ramzy, ce sera donc le Palmashow à savoir Jean-Gab et Manu, deux imbéciles heureux qui trouvent une mouche géante qu’ils tenteront d’apprivoiser. Une promesse aussi minuscule qu’excitante pour un cinéaste que l’on avait laissé en grande forme avec son précédent opus, Le Daim. Malheureusement, Mandibules, s’il a les habits d’une fantaisie propre à son réalisateur, sonne comme une jolie coquille vide.
Mandébiles
Mandibules manie donc sa créature et ses personnages hauts en couleur comme uniques ressorts scénaristiques : rien ne viendra ainsi (malheureusement) troubler l’observation aussi maîtrisée que techniquement irréprochable propre aux œuvres de Quentin Dupieux. Si l’on s’attend perpétuellement à ce que la machine s’enraye, il n’en sera rien d’autre qu’une promesse initiale minuscule : le Palmashow, échappé de l’un de leurs sketchs pendant 1h17, se confrontant avec leur mouche géante à des personnages affreusement lisses dont seul celui d’Adèle Exarchopoulos viendra (un peu) susciter quelque intérêt.
Parce qu’il ne semble n’avoir de place pour personne d’autre que l’observation de deux imbéciles heureux au sommet de leur art respectif. Si dans Le Daim, la déviation vers la folie du personnage de Jean Dujardin se trouvait accompagnée de la géniale Adèle Haenel et d’un côté voyeuriste glaçant, Mandibules semble vouloir donner le plus de liberté possible à une ode à la débilité aussi belle que malheureusement vaine. Le neuvième long-métrage de Quentin Dupieux se fait ainsi aussi minimaliste que son synopsis, et marque ainsi la première réelle déception d’un cinéaste ici mué en distributeur à fantaisie qui s’est oublié en cours de route.
Ne fait pas mouche
Que laisser alors aux très bons India Hair, Coralie Russier, Bruno Lochet et même les premiers pas à l’écran de Roméo Elvis ? Malheureusement, pas grand-chose, à part les miettes d’un film qui semble illustrer de la meilleure des façons la réaction de spectateurs livrés à une fantaisie dont seul le réalisateur semble avoir compris l’intérêt. Quentin Dupieux s’était pourtant évertué sur ses précédents longs-métrages à ménager sur une durée réduite la précision de son écriture, observée récemment sur sa maîtrise infime du dialogue d’Au Poste!.
Ainsi, si l’on reste loin du ratage complet, grâce notamment au charme de l’ensemble et de certaines hilarantes répliques, transfigurer la débilité pure et dure en démonstration de vide amène hélas, même sur une durée réduite, à d’inévitables longueurs, et Mandibules en est le constat. Même enfin libérée de multiples confinements à la nouvelle d’une réouverture des salles tant espérée et désirée, la mouche de Quentin Dupieux ne vole hélas pas très haut.