Trois personnes anonymes se retrouvent dans une agence de voyage au moment d’une guerre inattendue qui va bouleverser leurs destins.
L’île est la nouvelle création d’une compagnie qui sait nous séduire à tous les coups. Une compagnie qui a d’ailleurs pris pour nom le titre de la toute première mise en scène de la talentueuse Daria Konstantinova, L’étoile sans nom. On vous parle de cette nouvelle petit merveille qui fait se rencontrer et se soutenir dans l’adversité des personnages qui ne se seraient jamais rencontrés autrement…
Le prochain départ n’aura pas lieu…
Nous voici dans une agence de voyages où rien ne va se passer comme prévu… En effet, les clients se succèdent mais sont tous confrontés à la même déconvenue : leur voyage ne pourra pas avoir lieu. En effet, tandis que des bruits de bombardements et de mitrailleuses se font entendre à l’extérieur, les nouvelles tombent les unes après les autres : plus aucun train, avion ni bateau ne circulera jusqu’à nouvel ordre.
Coup dur pour le directeur de l’agence comme pour son employée, terrassée par la peur, mais aussi pour ces hommes et ces femmes qui avaient toutes et tous un compagnon, une petite-fille malade, une carrière sportive ou encore un business à retrouver. Aucun d’eux ne comprend ce qui est en train de se passer ni combien de temps ils seront coincés là, sans plus aucune ressource. Et c’est finalement un voyage au bout d’eux-mêmes qui les attend…
L’île nous offre une beau voyage
Tout dans cette pièce concourt très vite à capter notre attention. Il y a déjà la richesse des décors. D’abord celui d’une agence de voyages avec toutes ses couleurs et ses affiches évoquant diverses destinations, puis celui d’un grenier avec ses objets du quotidien. Un décor que les costumes, les jeux de lumières et la bande-son viennent rendre un peu plus vivant et chaleureux encore.
Il y a également la beauté et la délicatesse du texte de l’écrivain et dramaturge roumain d’origine juive, Mihail Sebastian, également l’auteur de L’étoile sans nom, la précédente pièce mise en scène par Daria Konstantinova en 2019. Pour l’anecdote, l’auteur n’a pas pu terminer l’écriture de L’île puisqu’il est mort avant, écrasé par un camion à Bucarest en 1945 ! Une méthode d’élimination qui était couramment employée par la police politique communiste à cette époque pour se débarrasser de celles et ceux qu’elle considérait comme étant « gênants ».
Et puis, bien sûr, il y a les tempéraments de ces personnages à la fois intrigants, drôles et attachants, qui vont peu à peu tisser des liens inattendus entre eux. Léo Gaufreteau incarne merveilleusement par son jeu, sa gestuelle et ses mimiques un directeur d’agence fantaisiste qui nous amuse beaucoup, aux côtés de son assistante qu’Héléna Biancheri rend drôlatique tant la peur fait perdre ses moyens à son personnage. Pierre Gaillourdet est ce joueur de l’équipe européenne de football assez sûr de lui mais pas moins sentimental, Boby, qui tombe rapidement sous le charme de la douce et solaire Nadia, une jeune peintre à l’optimisme à toute épreuve interprétée avec beaucoup de grâce et de naturel par Daria Konstantinova. Quant à Thomas Amiard, il impose son magnétisme dans le personnage un peu trouble et charmeur de Manuel, le banquier.
Une compagnie qui impose son empreinte
En quittant (avec le sourire) le Théâtre du Gouvernail après une représentation devant une salle comble et enthousiaste, les premières impressions et les premiers mots qui nous sont venus pour décrire ce spectacle furent : lumineux, vivant, poétique, drôle, tendre, réjouissant. Puis, par curiosité, nous sommes retournés lire notre critique de L’étoile sans nom, que nous étions d’ailleurs allés applaudir à deux reprises. Et les premiers mots que nous avions utilisés pour en parler étaient les suivants : « une pièce poétique, drôle et lumineuse » !
Daria Konstantinova n’a donc pas seulement du talent mais aussi un style bien à elle, un petit quelque chose de reconnaissable tant dans l’atmosphère qu’elle réussit à installer que dans le choix des artistes dont elle s’entoure et entre lesquels l’alchimie opère. Et surtout, elle semble décidée à ne proposer au public que des pièces qui font du bien. C’est donc une compagnie que nous vous recommandons vivement de découvrir et de suivre.
L’île, de Mihail Sebastian, mise en scène Daria Konstantinova, avec Héléna Biancheri, Léo Gaufreteau, Pierre Gaillourdet, Thomas Amiard & Daria Konstantinova, se joue jusqu’au 21 décembre 2024 au Théâtre du Gouvernail.
Avis
L'île nous immerge dans une aventure humaine qui mélange les genres et nous connecte à ce que l'adversité peut révéler de meilleur en nous. On rit, on s'inquiète, on s'étonne, on est charmé, et on en ressort le cœur léger et l'humeur tout en couleurs.
2 commentaires
J’y suis allé et j’ai adoré
Super ! Merci pour le partage 🙂