Les frottements du cœur retrace avec légèreté et résilience le parcours épique et désespérément drôle d’une femme admise en réanimation.
Les frottements du cœur est l’histoire vraie d’une femme qui a vu sa vie basculer en un instant. Une plongée épique, touchante et drôle au cœur d’un service de réanimation où, parfois, la vie gagne.
Un spectacle qui fait sourire
Alors bien sûr, on sait. Un spectacle sur la maladie, l’hôpital, la mort qui rôde… ça peut de prime abord ne pas franchement donner envie. Par les temps qui courent, on a besoin d’un peu de légèreté, on vous comprend. Et justement ! Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, et tout comme dans l’excellent seule-en-scène sur la maladie de Marie-Claire Neveu, Hépatik Girl, c’est bien ce dont il s’agit dans ce formidable spectacle qui vous tirera des sourires plutôt que des larmes.
Certes, on se retrouve dans un service de réanimation, très certainement le dernier endroit où l’on aimerait atterrir sur Terre. Alors qu’elle souffrait d’une simple grippe, Katia, 29 ans, est transportée en urgence dans cette salle d’attente de la mort. Son cœur a de plus en plus de mal à fonctionner, son pronostic vital est engagé. L’équipe médicale décide alors de la placer sous circulation extra corporelle. Ce n’est donc pas un organe mais une machine qu’on lui greffe, pour tenter de la maintenir en vie…
« Est-ce que l’avenir existe encore ? »
Mais Katia est une rescapée dont le cœur a finalement décidé de s’accrocher, il s’en est fallu de peu. Et puisque la vie a triomphé, c’est avec le recul nécessaire pour pouvoir faire preuve d’humour et de légèreté qu’elle aborde cette inimaginable épopée dans un seule-en-scène sensible et formidablement généreux où l’on croise des personnages hauts en couleurs.
Un aller pas simple en réanimation
Si, comme nous, vous avez la chance de ne jamais vous être retrouvés dans un service de réanimation, la visite vous donnera très fort envie que ça continue comme ça le plus longtemps possible ! La réalité que décrit Katia Ghanty avec beaucoup de sincérité et de simplicité est parfois difficile à imaginer et témoigne du courage inouï dont la jeune femme a du faire preuve tout au long de ce que l’on peut qualifier de parcours de la combattante. Une épreuve qui oblige à s’accrocher à tout, sans être sûre de rien. « Je me fais des promesses par centaines, je fais des pactes avec moi-même. »
Les allées et venues des médecins dans sa chambre toute la nuit, leurs paroles indélicates, incompréhensibles, parfois désespérantes ; le gouffre de solitude, la douleur, la peur, l’impuissance ; la mort qui rôde et s’engouffre dans les chambres voisines ; l’amoureux qui ne pourra la rejoindre que le lendemain tandis que des « on va la perdre ! » viennent résonner à ses oreilles et menacent d’annuler demain… Mais aussi, bien sûr et heureusement, des instants de douceur improbables au beau milieu de toute cette noirceur. Des mots, des gestes, des sourires qui viendront se poser sur son cœur qui vacille.
Les frottements du cœur, un combat épique
Vous l’aurez compris, il y a de la vie avant tout dans ce spectacle sensible et prenant. La douleur et la souffrance sont inévitablement là et nous bouleversent, mais elles ne nous engloutissent pas et on ne sort pas de ce spectacle le cœur lourd. On en sort en revanche plus instruit, plus conscient sans doute de beaucoup de choses, mais surtout admiratif d’un tel exemple de résilience. Katia Ghanty est merveilleuse, lumineuse. La comédienne a le recul nécessaire sur cette épreuve pour pouvoir l’aborder d’une manière digeste, pour elle comme pour nous.
La mise en scène d’Éric Bu (La Voix d’or, Je m’appelle George) est comme toujours réjouissante et fait la part belle au mouvement, à l’énergie qui circule, comme la vie. La présence de la musique live de Caroline Geryl en alternance avec Agnès Imbault, dont nous avons trouvé judicieuses les réactions muettes et subtiles, apporte une force supplémentaire au récit et permet de faire exister sur scène la fameuse machine qui permettait au sang de Katia de circuler. Mais s’en sortir physiquement est une chose, vivre à nouveau, « comme avant » en est une autre. C’est aussi cette étape de l’après que raconte Katia Ghanty, avec ses traversées du brouillard. Un moment fort et une très belle leçon de résilience.
Les frottements du cœur, de et avec Katia Ghanty, mise en scène Éric Bu, musique live Caroline Geryl en alternance avec Agnès Imbault, se joue à La Scala Provence, du 6 au 21 juillet 2024, à 17h35 (relâche les lundis).
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Avis
Au-delà de cette expérience inédite en service de réanimation, Katia Ghanty évoque avec beaucoup de sincérité le difficile retour au monde. Doit-on forcément être plus fort.e après ? Que faire si ce n'est pas le cas et que le traumatisme pèse trop lourd ? Un regard qui interpelle sur les injonctions qui pèsent sur les "survivants".