Les Feluettes est le récit d’une passion secrète entre deux hommes sous le regard implacable de l’Église et de la société de l’époque.
Nous sommes en 1952, dans une prison québecoise. Huit prisonniers séquestrent un évêque pour rejouer sous ses yeux des événements tragiques ayant eu lieu 40 ans plus tôt. Leur but ? Connaître la vérité sur ce qui s’est passé le jour d’un drame dont nous découvrirons la teneur plus tard, et dont a été accusé l’un d’eux. Un spectacle fascinant, qui nous a toutefois donné du fil à retordre !
Une plongée au cœur des ténèbres
Nous avions hâte de découvrir cette pièce du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard, présenté comme un « Roméo et Juliette au masculin ». Un auteur dont nous gardons un souvenir marquant de la célèbre œuvre, Tom à la ferme, que nous avions découvert en 2023 dans une mise en scène exceptionnelle de Rodrigo Portella : Tom na Fazenda.

Cette pièce fait partie de celles, cela arrive parfois, que nous avons quittées troublés. Pas tant par ce que nous avons vu (encore que !) que par ce que nous en avons pensé. Avons-nous aimé ou non ? Nous n’aurions pas été capables de répondre à cette question à l’issue de la représentation… Mais ce qui est sûr, si nous nous la posons encore et que nous choisissons de vous en parler, c’est qu’elle nous a marqués.
Des moments de grâce
Il est vrai que ce spectacle propose une expérience brute, sans concession, aussi bien en termes de texte et de mise en scène que d’atmosphère. Malheureusement, le début, particulièrement confus, nous a très vite perdus. Ajoutée à cela la multitude de personnages dont nous ne parvenions pas, pour certains, à cerner le rôle et les enjeux, et nous avons alors pensé qu’elles allaient être longues ces 1h40…

Mais nous avons soudain été rattrapés par un premier moment de beauté, de clarté, d’émotion. Certains aspects de l’histoire ont commencé à s’éclaircir, et les deux personnages principaux à gagner en profondeur et à nous toucher. Notre attention était revenue au plus haut, et avec elle l’envie d’aimer cette pièce. Le souci est que nous avons passé 1h40 à faire ainsi des allers-retours entre ce qui se passait sur scène et nos pensées…
Mais ces moments où nous étions bel et bien là, avec eux, nous les avons vraiment adorés. Ils nous ont pris aux tripes, nous ont permis d’être captivés par ce que nous comprenions de l’histoire, et d’admirer la beauté et la sincérité du jeu de Amric Trudel et Axel Arnault, qui incarnent les deux personnages principaux avec une sensibilité qui les rend magnétiques. Geoffroy Mathieu nous a également touchés dans son interprétation parfois empreinte d’une douceur bouleversante de la Comtesse de Tilly, mère de Vallier, qui tente comme elle le peut d’épauler son fils.
Les Feluettes : une expérience en demi-teinte
Car elle est évidemment poignante cette histoire d’amour interdite entre Vallier et Simon, cette passion refoulée que l’on sent brûler bien avant qu’elle ne les enflamme littéralement. Et bien qu’elle soit mise en scène avec un érotisme teinté de pudeur, la tension entre eux est bel et bien palpable, et la violence dont leur amour fait l’objet de la part de l’Église, de certains membres de leurs familles et de la société dans son ensemble, les brutalise au moins autant que celle avec laquelle ils luttent contre leurs propres sentiments.

Les Feluettes est un spectacle engagé, puissant, avec un potentiel énorme. Pas simple à mettre en scène, il gagnerait probablement à s’alléger de quelques personnages dont la présence est anecdotique, et à poser un cadre et des intentions plus claires dès le début du spectacle. En effet, ils sont 9 comédiens sur scène pour 5 ou 6 personnages à peine dont nous nous souviendrons. Pourtant, malgré tout ce qui nous a laissés perplexes, c’est un spectacle que nous retournerions voir volontiers à présent que nous avons quelques éléments de compréhension supplémentaires. Et c’est évidemment une performance que nous avons applaudi bien fort.
Les Feluettes, de Michel Marc Bouchard, mise en scène Olivier Sanquer, avec Axel Arnault, Rafaël Dejonghe, Arnaud Goussebaïle, Simon Guirriec, Cédric Luisier, Geoffroy Mathieu, Maxime Peyron, Sébastien Pruvost & Amric Trudel, se joue du 5 au 26 juillet au Théâtre des Corps Saints.
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Avis
L'atmosphère sombre, et même quasi mystique par moments, de cette pièce, sa dimension très brute et corporelle, et bien sûr l'histoire terriblement bouleversante qu'elle nous conte laissent une empreinte particulière et forcément mémorable. Et quelque chose nous dit que nous l'apprécierions encore davantage en la voyant une seconde fois.