Gros succès asiatique de ce début d’année 2025, Legends of the Condor Heroes – The Gallants débarque chez nous via une sortie technique dans quelques salles en France. Pourtant, derrière ce wu xia adaptant un célèbre roman mythologique chinois se cache le nouveau blockbuster réalisé par l’illustre Tsui Hark !
Les blockbusters pétés de thunes venus d’Asie sont légion désormais, notamment en Chine (on pense au récent Creation of the Gods par exemple !). Legends of the Condor Heroes ne devrait donc pas être une sortie d’exception, surtout que ce projet sous-titré « The Gallants » se veut une énième adaptation d’un roman culte déjà bien ancré dans l’imaginaire chinois.
Legends of the Condor Heroes : en plein dans le culte chinois
Se déroulant il y a un millénaire dans un Empire fracturé par une lutte entre la dynastie Jin et les Mongols de Genghis Khan, le roman original offrait avant tout une trame ample à travers les années, centrée sur la rivalité entre 2 héros que tout oppose alors qu’ils voyagent dans une épopée rivale en acquérant le savoir de plusieurs maîtres du kung fu.

Les réinterprétations de ce récit aussi connu que du Tolkien en Orient sont donc multiples (on pense par exemple au Ashes of Time de Wong Kar-wai), et ce nouveau Legends of the Condor Heroes entend donc transcrire le mythe via une approche spécifique. Et pour se faire, ce n’est ni plus ni moins que l’illustre Tsui Hark qui se charge de la co-écriture et bien sûr de la mise en scène !
Tsui Hark de retour aux affaires
On ne présente plus vraiment Tsui Hark, probablement le réalisateur chinois le plus influent de la seconde moîtié du XXe siècle, ayant avec ses compères John Woo, Ringo Lam et Chen Kaige engendré une véritable révolution du cinoche hongkongais. Touche-à-tout capable de transcender chaque genre, autant à l’aise ans le drame socio-politique (L’enfer des armes) que dans la comédie (Le Festin chinois) ou la romance (The Lovers), le nabab de feu la Film Workshop est à lui seul responsable de tout un essor du wu xia dans le paysage moderne (Zu, Il était une fois en Chine) mais également de sa réinvention post-moderne (l’immense The Blade).

Il n’est donc pas étonnant de le voir s’atteler à ce Legends of the Condor Heroes – The Gallants, centré sur Guo Jing, un guerrier Jin (chinois donc) adopté par les Mongols de la Steppe et ayant effectué un périple de 2 ans au sein de la Plaine continentale dans le but d’apprendre les techniques des 5 plus grandes maîtres en arts martiaux. Découvrant l’amour auprès de Huang Rong (la fille d’un des maîtres), Jing va malheureusement perte sa trace suite à la mort de ses senseïs.
Évoluant chacun de leur côté pour se retrouver, les deux amoureux vont tenter de se retrouver alors que la guerre est à son paroxysme. C’est au même moment que Venin de l’Ouest, le dernier maître ayant précédemment combattu Jing, refait surface dans le but d’acquérir un mystérieux manuscrit recelant un pouvoir incommensurable.
Choix narratif à fleur de peau
Le lore initial de Legends of the Condor Heroes semble particulièrement touffu de prime abord, surtout que la narration s’évertue un brin maladroitement à nous résumer le contexte politique du récit en 2 min top chrono via une voix-off surexplicative. Pire, le background global de Guo Jing est globalement résumé en une quinzaine de minutes, tandis que le spectateur néophyte doit accepter le fait qu’il s’agit d’une histoire particulièrement connue en Orient, d’où les raccourcis initiaux !

Heureusement, Tsui Hark sait installer efficacement ses enjeux via une universalité rare, tout en faisant de ce Legends of the Condor Heroes une fresque (avant tout un conte) comme une romance impossible. Impossible via le statut social de son héros (promis à la fille du Khan), le contexte de guerre qui gronde, et la menace qui plane personnifiée par les sbires de Venin de l’Ouest !
Dès lors, la structure du film devient étonnamment linéaire, voire même simpliste, centrée sur ce simple point de vue : la mise en scène de Tsui Hark brillant particulièrement dans les séquences non-rythmées par les scènes de fights (soit l’essentiel du métrage finalement). De nouveau, le réalisateur chinois montre tout un savoir-faire scénographique d’une lisibilité absolue et d’une grammaire telle qu’un simple échange tragi-comique pris à part devient un vrai morceau de cinéma enivrant (formidable séquence dans un cimetière de cerisiers ou encore ce dialogue avec la guilde des mendiants enchaînant les plans-séquences au sein d’une hutte !).
Leçon totale de mise en scène
Autant à l’aise dans l’humour (les joutes verbales féminines du film !) que dans le drame (magnifique scène de deuil avant le climax, rythmée par des halos de lumière renforçant sa puissance symbolique), Tsui Hark se permet même des envolées géométriques inédites dans la spatialisation globale de l’action, proposant des prises de vues folles sur des chevauchées d’armées ou des mano-à-mano qu’on a pourtant vu des centaines de fois dans le genre.

Un véritable metteur en scène qui se réapproprie les codes donc, jusque dans un climax guerrier peu avare en super pouvoirs, tel un poing tendu face aux sempiternels blockbusters XXL découpés/filmés à la truelle. Un petit bonheur qui relève presque du pur plaisir enfantin via sa non-complexité apparente, alors que Legends of the Condor Heroes parvient à mettre en pivot central une vraie romance incarnée comme aucun film de genre n’est capable de le faire de nos jours.
Et si cela ne suffisait pas, Tsui Hark se permet un message succinct plutôt pacifiste derrière le parfum de nationalisme ambiant au sein de la production cinématographique chinoise. Une réflexion glissée en loucedé pourra-t-on dire malgré une fierté gouvernementale empêchant les blockbusters chinois de pleinement sortir des clous idéologiques. Mais en l’était, Tsui Hark affiche à nouveau un immense savoir-faire dans une nouvelle pierre à l’édifice gargantuesque qu’est son incontournable filmographie !
Legends of the Condor Heroes – The Gallants sortira prochainement au cinéma
avis
Avec Legends of the Condor Heroes, le grand Tsui Hark revient aux affaires et signe son meilleur film depuis 10 ans. Une épopée XXL certes dans les carcans narratifs et idéologiques des blockbusters chinois contemporains, mais à la mise en scène ahurissante de lisibilité, faisant avant tout de cette adaptation une magnifique histoire d'amour intemporelle.