Le barbier de Séville est une adaptation virevoltante et haute en couleurs qui nous plonge avec talent dans la célèbre comédie de Beaumarchais.
Une comédie qui pétille !
Nous voilà à Séville, au début du XIXe siècle. Séquestrée par son tuteur, le docteur Bartholo, avec lequel elle est promise à un mariage forcé à ses 18 ans, la jeune Rosine s’éprend d’un mystérieux amant qui vient la courtiser sous ses fenêtres. Ce dernier, aidé de son ancien valet le Barbier Figaro, va tout faire pour l’aider à échapper au sort qui l’attend et déjouer les pièges tendus par le vieil homme et son bras droit, Basile. Elle découvrira plus tard qu’il s’agit en réalité du comte Almaviva.

Nous voilà surtout en présence de la compagnie des Modits que nous avions hâte de retrouver sur scène depuis leur moderne et pétillante adaptation de L’affaire de la rue de Lourcine, de Labiche. Nous avions alors parlé d’un tourbillon d’énergie, d’humour et de fraîcheur, d’un enthousiasme communicatif et d’une qualité de jeu admirable. Et nous risquons de nous répéter car ces ingrédients semblent bel et bien être la marque de fabrique de cette troupe formidable qui nous offre une fois de plus un moment de divertissement d’une grande qualité.
Le barbier de Séville revisité avec talent
Cette pièce nous entraîne en effet dans un véritable tourbillon de rebondissements, de quiproquos et autres ruses, où passion, fougue, jalousie, possession, manipulation s’entrechoquent joyeusement pour déjouer les conventions, le déterminisme de la naissance, et conquérir une liberté réclamée par le cœur.
« Je suis las des conquêtes que l’intérêt, la convenance ou la vanité nous présentent sans cesse. Il est si doux d’être aimé pour soi-même !
Le Comte
C’est vraiment un moment délicieux que l’on passe, le sourire aux lèvres, en compagnie de cette joyeuse équipe. La dimension comique de la pièce ne prend jamais le pas sur la précision ni la qualité de jeu. De jeu et de chant d’ailleurs puisque, comme dans L’affaire de la rue de Lourcine, on retrouve quelques moments chantés où les airs de guitare s’envolent, et qui sont parfaitement dosés et intégrés au récit.

Le casting est parfait et tellement réjouissant ! En effet, nous avons eu beau chercher : aucun des artistes présents sur scène est un peu « moins » qu’un autre, qu’il s’agisse de la qualité et de la précision de son jeu comme de la dimension donnée à son rôle. Ce qui est relativement rare dans les pièces chorales où des personnages ont généralement tendance à sortir du lot. Ici, toutes et tous nous régalent à chaque apparition.
Un casting aux petits oignons
Le personnage exalté et malicieux de Figaro, avec sa guitare et ses vers, était un rôle taillé sur-mesure pour Oscar Voisin Le comédien s’approprie décidément le registre comique avec un talent, un naturel et un enthousiasme qui le rendent intrinsèquement juste. Dans le rôle du vieux Bartholo que son excès de jalousie et son attitude grossière rendent drôle, Michaël Giorno-Cohen impose sa présence, son charisme et sa sensibilité dès la première seconde. Voilà, c’est certain, un comédien qui crèverait l’écran autant qu’il s’impose sur les planches !

Victor O’Byrne est un comte Almaviva convaincant auquel il prête parfois des traits comiques qui nous surprennent agréablement. Quant au personnage de Basile, il est sans doute celui qui nous a le plus étonnés. L’excellent Alexis Rocamora interprète en effet ce personnage cupide avec une intensité, une précision et surtout de très jolies nuances jusque dans son énergie corporelle, ses mimiques et ses regards par-dessus ses petites lunettes biscornues, qui nous font guetter chacune de ses apparitions. Son envolée lyrique inattendue dans le registre de la colère lors de sa première apparition sur scène est d’ailleurs l’un des moments les plus mémorables de la pièce ! Quel talent !
« Je me presse de rire de tout avant d’être obligé d’en pleurer. »
Figaro
Et bien sûr, dans le rôle de Rosine, on retrouve la toujours aussi solaire et attachante Justine Vultaggio. Assistée d’Alexis Rocamora, elle signe également cette mise en scène habile et pleine de fraîcheur dans le décor efficace et chaleureux de Marion Canivet qui ne s’encombre de rien de superflu. Une mention toute particulière aux superbes costumes de Marion François. Et l’on a aussi envie de citer la musique de Mathieu Rannou et les lumières de Raphaël Bertomeu (qui se tamisent tandis que les décors et les costumes s’ajustent, on aime beaucoup !). Car un résultat si abouti et réussi est forcément l’œuvre d’un travail d’équipe. On applaudit bien fort et on en redemande !
Le barbier de Séville, de Beaumarchais, mise en scène Justine Vultaggio assistée d’Alexis Rocamora, avec Justine Vultaggio ou Laura Marin, Michaël Giorno-Cohen ou Mikaël Fasulo, Victor O’Byrne, Oscar Voisin, Alexis Rocamora se joue jusqu’au 30 mars 2025 au Lucernaire.

Avis
Si vous n'êtes pas très tenté par les classiques, que vous craignez de vous y ennuyer : ce Barbier de Séville follement joyeux va vous faire changer d'avis ! Voilà une adaptation moderne et de grande qualité va faire parler d'elle c'est certain.