L’adieu est une comédie dramatique touchante, et inspirée d’une histoire vraie, qui aborde avec pudeur le rapport à la mort, à la famille, aux traditions.
L’adieu est un film surprenant – et un peu déroutant, c’est vrai – inspiré de l’histoire vraie de la jeune réalisatrice Lulu Wang. Mais, contrairement à ce que le titre et le pitch laissent envisager, inutile de sortir les mouchoirs. Car c’est avant toute chose d’amour dont il est question dans cette chronique familiale tendre et fantaisiste.
Nai Nai est atteinte d’un cancer du poumon. Il ne lui reste plus que trois mois à vivre. Terrible diagnostic dont elle ne sait rien. Car ses proches décident de respecter une tradition chinoise et de lui cacher la vérité. Et pour permettre à toute la famille – dispersée entre les États-Unis, la Chine et le Japon – de se réunir une dernière fois autour d’elle, ils utilisent le faux mariage de leur petit fils comme prétexte. Mais le mensonge n’est pas simple à tenir, surtout pour Billi, née en Chine mais élevée à New-York, et qui partage un lien fort avec sa grand-mère…
Récit d’une supercherie
Tout est mensonges dans ce film. Sauf une chose : l’amour. Il faut faire preuve d’une sacrée abnégation pour mimer le bonheur et la joie des retrouvailles alors que ce sont des adieux que chacun est venu faire. Bonne idée ou pas ? Et s’il s’agissait plutôt de lâcheté ? Les points de vue diffèrent, mais le film ne prend pas vraiment partie sur le sujet. Bien sûr, chacun des membres de cette famille contrastée est animé d’une profonde tristesse avec laquelle il s’arrange comme il peut. Mais l’amour est plus fort. Plus fort que la peine, que les frontières et que les clivages culturels. Les tensions naissent, mais se dissipent aussitôt. Et même quand l’émotion finit par déborder et que les larmes surgissent, elles se trouvent d’autres prétextes, ce qui donne lieu à quelques scènes touchantes qui oscillent entre tragique et comique.
Le choc des cultures
Malgré la thématique dramatique à laquelle la superbe partition musicale nous ramène de temps à autre, le film de Lulu Wang est emprunt d’une certaine légèreté. Car la mort n’y est pas grave. Elle n’arrête rien, et certainement pas la vie puisque chaque personne est considérée comme faisant partie d’un tout ; son existence ne lui appartient pas. Une approche culturelle éloignée de la culture occidentale avec laquelle a grandi Billi, interprétée par la rappeuse Awkwafina qui a d’ailleurs obtenu le prix de la meilleure actrice aux Golden Globes 2019. Mais ce retour aux sources sera pour elle l’occasion de renouer avec ses origines, et d’approfondir le lien complice qu’elle entretient avec sa grand-mère.
Pas de place pour la mort !
Difficile de ne pas sourire lorsque Nai Nai souffle à l’un des siens : « Ne dis rien aux enfants, ils s’inquièteraient », au sujet de la fatigue qu’elle ressent, alors que tous sont occupés à lui mentir sur son état de santé pour lui permettre de vivre sereinement le peu de temps qu’il lui reste – selon les médecins. D’ailleurs, de toute l’assemblée aux mines assez tristounes, c’est elle qui semble la plus en forme, la plus joyeuse et… la plus vivante ! Tendre ironie. On ne peut s’empêcher de se demander si elle n’est pas au courant, d’ailleurs, de cette supercherie. On s’attend même à découvrir que c’est finalement elle qui se joue d’eux… Mystère… En attendant, c’est clairement la vie – et l’appétit ! – qui l’emportent ! Car c’est autour de fastueux repas que se déroule la plus grande partie du film. Et, quand l’appétit va tout va, non ?
Une immersion dans la culture chinoise
L’adieu nous emmène efficacement à la découverte d’un type de cinéma auquel nous ne sommes pas habitués, et nous ouvre à une culture éloignée de la nôtre. À l’instar de Billie, à laquelle on s’identifie ainsi assez facilement. Et il le fait avec un brin d’auto-dérision parfois. Karaoké de folie, préparatifs kitchounets du mariage, place centrale de la nourriture, pleureuses professionnelles lors de funérailles… Et évidemment, ce fameux rapport à la mort, avec lequel tous ne sont pas d’accord. Inévitablement, le film nous interroge sur ce thème. Sur les différentes manières de l’appréhender, de vivre le deuil et d’exprimer sa peine, toutes acceptables, toutes respectables. Même quand les larmes viennent tard ; même quand elles ne viennent pas et que le chagrin trouve un autre chemin.
Trop pudique, l’adieu ?
Le rythme est lent, et il y a de quoi être un peu déstabilisé par la mise en scène très dépouillée et par son schéma assez répétitif. Mais surtout, on attend, on guette l’émotion qui nous emportera un peu plus profondément sans pour autant nous engluer dans une interminable pleurnicherie. Malheureusement, le relief espéré ne vient pas, et l’émotion nous effleure à peine, nous touche parfois – comme lorsque Billi libère ce que l’on imagine être sa colère et sa peine sur le piano – mais ne nous bouleverse pas. Forcément, difficile de transmettre et de partager des émotions retenues… Enfin bon, on a quand même réussi à verser une larmichette à la fin, l’honneur est sauf ! Une fin à l’image de tout le film d’ailleurs, tendre et assez inattendue.