La Vie, en gros de Kristina Dufková est une adaptation touchante en stop-motion du roman de Mikaël Ollivier.
Ben a 12 ans, entre au collège et tombe fou amoureux de sa camarade Claire. Tout allait bien pour lui jusqu’au jour où son obésité devient le point névralgique de sa vie. Ben est gros et tout à coup, son entourage ne voit plus que cette singularité, lui y compris. Il décide alors de prendre les choses en main et entame un régime.
Un avant, et un après
Kristina Dufková parvient à rendre compte avec justesse de l’avant et de l’après. Dans les premières minutes du film, elle nous montre Ben tel qu’il était : joyeux, drôle, heureux, et surtout, amoureux de la nourriture. Ben est constamment en train de manger, et quand il ne mange pas, il cuisine ou regarde une émission de cuisine à la télévision. Cette passion apparaît sous toutes ses formes, même en chanson : Ben rappe et la nourriture est la source de son imagination. « Hungry, hungry, hungry, hungry for life » déclame-t-il en se préparant un hamburger. Au collège, malgré les insultes de certains de ses camarades, malgré les railleries de son professeur d’EPS, Ben arrive à garder le sourire, à répondre avec humour et à se détacher de ce qu’on lui dit. L’autodérision et la pitrerie sont ses armes pour se défendre, et celles-ci fonctionnent.
Jusqu’au jour où son monde s’effondre, où les paroles de l’infirmière du collège agissent tel un électrochoc : Ben est obèse et sa santé peut en pâtir. Commence alors sa descente aux enfers. Les remises en question intérieures se multiplient, la confiance en soi chute, le bonheur se fissure, le harcèlement devient un supplice. Ben est tourmenté par des peurs, des cauchemars, et tiraillé entre son amour pour Claire et son amour pour la nourriture.
Être gros
La réalisatrice tchèque porte un regard fidèle à la réalité sur ce qu’être gros signifie. Dans chacune des séquences, les autres ne définissent Ben que par son poids, comme s’il n’était rien d’autre qu’un corps en surpoids. Chaque phrase, chaque remarque le ramène à son obésité et crée une tension toujours plus palpable. Plus Ben tente de maigrir et plus le poids prend de l’importance : à cet instant, il n’est plus qu’un gros dans le corps d’un gros.
Kristina Dufková ne prend pas de pincettes pour parler des troubles du comportements alimentaires (TCA) chez l’enfant. Elle dépeint les comportements tels qu’ils sont, que ça soit du côté de Ben ou de ses proches. Il y a les crises de boulimie, la dépression, la grand-mère qui encourage son petit-fils à manger, le professeur de gym qui le rabaisse et le maltraite… Autant de situations quotidiennes qui meurtrissent le cœur des personnes atteintes d’obésité.
Du stop-motion à la musique
Pour raconter son histoire, Kristina Dufková a choisi le stop-motion, une technique d’animation particulièrement prisée pour cette édition du Festival d’animation d’Annecy 2024 (Memoir of a Snail, Sauvages) où il était présenté en avant-première. Aux scènes en pâte à modeler se mêlent également des séquences de rêve en dessins 2D, porte ouverte sur les pensées de Ben qui se matérialisent devant nous, littéralement.
La bande-originale du film joue également un rôle primordial et renvoie à la passion de Ben pour la musique. La réalisatrice mélange plusieurs genres, allant du punk au rock, en passant par le classique. Les musiques sont continuellement liées au récit, le choix des instruments étant étroitement imbriqué aux émotions des personnages, ou celui des chansons à l’action – on apprécie la citation directe de “Gonna fly now” de Bill Conti, tiré de la scène légendaire de Rocky, lorsque Ben se met à la course à pied.
Il y a également toute la musique intradiégétique, ces séquences où Ben chante, rappe, et joue dans le groupe qu’il a constitué avec son meilleur ami et sa sœur. Sa musique devient le curseur de son état d’esprit et s’arrête dès qu’il est au plus bas avant d’exploser lors d’un concert quand il reprend espoir.
La vie, en gros est un film d’animation subtil et original, une histoire qui pointe un sujet peu représenté au cinéma et qui parlera à bon nombre d’enfants et d’adultes. A travers son long-métrage, Kristina Dufková montre qu’une personne est bien plus que ce qu’elle pèse.
La Vie, en gros a remporté le Prix du Jury Contrechamp au Festival international du film d’animation d’Annecy 2024 et sortira au cinéma le 12 février 2025.
Avis
La Vie, en gros est un magnifique film d'animation en stop-motion réalisé par Kristina Dufková qui se penche sur un sujet peu représenté à l'écran : l'obésité. Un regard juste porté sur le quotidien d'un adolescent qui se cherche et se construit.