La maladie de Sachs nous ouvre les portes du cabinet d’un médecin en même temps que celles de son existence.
La maladie de Sachs est une adaptation du roman de Martin Winckler paru en 1998 et porté à l’écran par Michel Deville l’année suivante.
Nous pénétrons dans le cabinet d’un médecin de campagne où les consultations s’enchaînent. À travers les voix des patients qui y défilent, on s’imprègne du quotidien du Docteur, mais aussi de celui de l’homme sous la blouse. Une pièce à la fois tendre, drôle, et surtout remplie de bienveillance, qui interroge avec sincérité le lien entre médecin et patient.
Vous venez pour quoi ?
Si tant de patients traversent le cabinet et la vie du Docteur Sachs, ce n’est pas par hasard. Non, c’est parce qu’il prend le temps de les connaître, les écoute, va à leur rencontre, les rassure. C’est un médecin qui prend le temps d’être humain. Et qui ne se déplace jamais sans une boîte de mouchoirs dans sa mallette. On le suit ainsi dans ses consultations, ses nuits de garde ou encore ses visites à domicile au fin fond de nulle part…
Une femme enceinte qui souhaite avorter, une toxicomane qui a besoin de comprimés de morphine, une mère qui s’inquiète pour sa fille anorexique, un homme atteint d’un cancer… Les cas sont divers et variés, tous importants pour celles et ceux qui les amènent. Tous importants aussi pour le Docteur Sachs. Et l’on s’y retrouve forcément un peu dans ces craintes timidement exprimées, ces auto-diagnostiques hâtifs, ces inquiétudes à l’égard d’un proche…
Une belle interprétation collective
Julien Donnot, Delphine Lefranc & Mathilde Pous qui se tiennent parfois sur scène, parfois en dehors, incarnent avec autant de justesse que de simplicité ces patients plus vrais que nature. Et lorsque, pour exprimer ce qui les amène, leurs voix se succèdent, s’entremêlent, se chevauchent jusqu’à venir se recouvrir dans une sorte de vacarme, c’est à ce que vit l’homme sous la blouse du médecin que nous nous connectons alors.
« Soigner, c’est avoir envie de prendre dans ses bras sans pouvoir le faire, mais trouver un geste qui voudra dire la même chose. »
Thomas Ailhaud est convaincant dans le rôle de ce docteur profondément humain, à l’empathie souvent silencieuse. Et il se révèle particulièrement touchant à l’occasion d’un monologue très fort où, comme dans un soupir de découragement, il énumère toutes ces situations qui remplissent son cabinet, tous ces gestes qui composent son quotidien, tout ce qui se change peu à peu en trop-plein…
Il nous touche autant qu’il nous fait sourire à vrai dire, à mesure que l’on observe cette proximité qu’il entretient avec ses patients et que l’on partage avec lui ces tranches de vie brutes. Une proximité qui aurait toutefois pu se passer du choix, certes fidèle au livre, mais étrange du tutoiement qu’emploient les patients pour parler de lui, et qui ne sonne pas naturel.
Vous prendrez bien un bain d’humanité ?
C’est donc ça, la Maladie de Sachs. Une médecine qui veut à tout prix rester enracinée dans sa vocation initiale, qui rejette la froideur et les automatismes d’un système médical qui perd son âme ; une médecine qui veut sauver le lien et la proximité qu’elle entretient avec les patients. Quitte à être un médecin trop « grog aspirine » aux yeux de ceux « qui ont cotisé 40 ans à la sécu, qui voient des opérations à cœur ouvert tous les jours et qui veulent du médicament ! ». Quitte à s’en rendre malade…
C’est cette « juste distance », pas si évidente à trouver, qu’aborde avec sobriété et délicatesse cette pièce, première création de la prometteuse compagnie Vert bitume. Malgré quelques longueurs, on se laisse embarquer par ces mots et ces silences qui semblent partager la même force. Portée par l’adaptation et la mise en scène fluide de Delphine Lefranc, cette pièce à mi-chemin entre la fiction, le documentaire et le témoignage, rend un bel hommage à l’humain.
La maladie de Sachs, adapté du roman de Martin Winckler et mis en scène par Delphine Lefranc assistée de Marie Lenglet, avec Thomas Ailhaud, Julien Donnot, Delphine Lefranc & Mathilde Pous, s’est joué au Théâtre Les Déchargeurs.
Avis
C'est un joli travail que nous propose la compagnie Vert bitume avec cette adaptation intelligente et sensible. L'occasion de porter un regard empathique sur une médecine qui tend à se faire de plus en plus rare.