La fuite en avant brosse le portrait d’un Orelsan trop pluriel et éparpillé pour être contenu en un seul CD.
La fuite en avant relève d’un sens aigu du timing pour un titre qui évoque plutôt l’empressement et le désordre. Avec cet album sorti le 6 novembre, Orelsan entendait surfer sur l’emballement médiatique entourant Yoroï, son film diffusé depuis le 29 octobre en salles obscures. Au final, l’un devait encourager la visibilité de l’autre pour s’assurer le succès. Le hic, Yoroï rencontre moins d’emballement que prévu avec seulement 150 000 entrées pour un budget de 14 millions. En sera-t-il de même pour le cinquième album du plus célèbre rappeur de Caen ? À l’aube de devenir père, Orelsan n’a-t-il pas passé l’âge de clasher les bobos vegans et les fils à papa (SAMA)?

Orelsan s’était largement fait connaitre en 2011 avec Suicide Social. Depuis, le temps avait semblé élimer la plume de l’homme. Son dernier opus, Civilisation (2021), le voyait donner des leçons à toutes les sauces, ce qui lui avait valu un accueil mitigé. À son grand âge, l’exercice lui semblait puéril. La fuite en avant se veut alors mea culpa de façade, Orelsan se qualifiant lui-même de donneur de leçons barbant dans l’autocritique cinglante La petite voix. Désormais en posture de (futur) daron, il retrace sur le ton de l’introspection le chemin parcouru depuis ses débuts sur la toile (Le Pacte, Internet).
SOS d’un daron en détresse
La critique sociale, de toutes les classes, de tous les âges, de toutes les tendances, reste néanmoins le coeur de l’opus. Mais elle partage les 18 pistes de l’album avec deux autres thèmes chers à l’artiste, le Japon et sa parentalité. La fuite en avant agglomère ainsi trois sujets qui coexistent sans vraiment cohabiter. Au niveau des paroles, mais surtout, en termes de rythmes et d’instrumentales. Pour reprendre l’idée du titre Encore une fois, La fuite en avant est un pêle-mêle de réflexions du soir, clope au bec et canettes de 86 dégurgitant leur fond de mousse tiédie aux pieds du canapé (Fumer tue et l’abus d’alcool est dangeureux pour la santé. À consommer avec modération.). Cet album se veut somme toute reflet de la fuite en avant qu’est la vie, du point de vue d’Aurélien, 43 ans, rappeur et bientôt papa.
Les punchlines des critiques sociales clashent sec sur des instrumentales tout aussi énervées (SAMA). Orelsan n’a pas changé, il sort les crocs comme les jeunes rappeurs qui ont la niaque des débuts. En outre à la pointe des dernières tendances otaku, Orelsan accorde au Japon non seulement des références (de Death Note à Jujutsu Kaizen, retrouvez-les toutes), mais lui dédie plusieurs des ses titres (Osaka, Soleil Levant). Puis, soudainement, l’artiste prend un sacré coup de vieux. Assuré, cinglant, donneur de leçon implacable quant il s’agit d’énumérer les travers de la société, le voilà tout hésitant lorsque 1+1 font 3 (Deux et demi). La parentalité lui adoucit le ton sur des pistes plus tendres et empreintes de toutes les craintes des futurs parents.
Rap-père sans (re)pères
Décidé à choquer la ménagère dans ses titres critiques, nostalgique sur les pistes introspectives et doux comme un agneau quand il évoque sa paternité, Orelsan assure maîtriser plusieurs cordes à son arc avec La fuite en avant. Mais à l’écoute, l’opus ne crée pas d’ensemble cohérent. Le rappeur s’autodétruit dans La petite voix, entre deux références au Japon, tout en coupant ses pistes critiques de bulles choupinettes sous le signe de la parentalité. Une belle fuite en avant dans laquelle toutes les pérégrinations de la vie s’emmêlent, mais qui accouche d’un album bien moins agréable à suivre et à apprécier.
La fuite en avant, cinquième album studio d’Orelsan, est sorti le 7 novembre 2025.
Avis
Orelsan se perd dans les méandres de sa vie et de son parcours d'artiste. Si chaque piste se veut travaillée, l'album La fuite en avant ne parvient à les faire cohabiter pour accoucher d'un ensemble cohérent. Dès lors, le rappeur passe sans transition d'un morceau qui insulte la terre entière à un autre beaucoup plus tendre qui prépare le bonheur à venir de son enfant.

