La fin du début est un seul en scène qui nous plonge dans l’univers d’un enfant des années 90 face à la découverte de la finitude.
La fin du début, c’est l’histoire d’un enfant… mais probablement aussi un peu celle de notre enfant intérieur à tous, face à la découverte brutale que rien ne pouvait durer pour toujours. Solal Bouloudnine y est exceptionnel. Et on vous spoile notre fin à nous : c’est un coup de cœur.
Le début de la fin de l’enfance…
Mais reprenons du début. Enfin, le nôtre, pas le sien qui est en réalité la fin ! Mais nous y reviendrons. Tandis que nous entrons dans la salle, on le découvre sur scène, les vêtements et le visage tout peinturlurés, déjà habité par son personnage, au beau milieu du décor foisonnant d’une chambre d’enfant. Enfin, d’une chambre d’enfant des années 90 que l’on prend plaisir à parcourir minutieusement du regard tant les références à notre enfance (« je vous parle d’un temps… ») sont nombreuses.
Sonic, les Tortues Ninja, le P’tit bac, Mastermind, un radio K7, des patins à roulettes… Vraiment, on s’y croirait. Solal Bouloudnine nous plonge sans attendre dans cette journée qui a marqué sa vie d’enfant et donc d’adulte : sa rencontre avec le concept de finitude. Il a 6 ans, 11 mois et 20 jours quand il apprend la mort de Michel Berger, terrassé par un arrêt cardiaque pendant une partie de tennis, dans la maison voisine de celle où le jeune garçon passait ses vacances. Ce jour-là, il découvre que l’on peut mourir, que tout se termine forcément.
Tout le spectacle s’attache alors, dans le fond comme dans la forme, à explorer les questionnements, les angoisses et autres stratégies d’évitement liées à cette réalité pas franchement digeste qui vient malmener l’insouciance. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il commence son spectacle par la fin. Comme ça, une fois débarrassé d’elle, on est tranquille ! pense-t-il d’abord avant de réaliser qu’elle nous rattrape toujours…
La créativité à son paroxysme
Le sujet est profond, philosophique même, et vient s’adresser à ce qui est certainement notre peur commune la plus profonde. Mais, à travers une galerie de personnages formidablement interprétés, Solal Bouloudnine l’aborde d’une manière si intelligente, drôle, burlesque même, qu’il parvient à le dédramatiser, à nous faire rire de nos pires angoisses et de ce que la vie peut avoir de plus cruel.
On rit encore en repensant à certains moments particulièrement hilarants comme lorsqu’il interprète son chirurgien de père, ou quand il se livre de manière franchement burlesque à du calcul mental ! Brillant également le sketch dans lequel il imagine à quoi ressemblerait un monde dans lequel on pourrait choisir la date et les modalités de sa mort !
Un spectacle et un artiste hors-normes
Solal Bouloudnine est touchant, drôle, attachant dans ce seul en scène emprunt d’une folie douce qui nous cajole. La mise en scène de Maxime Mikolajczak & Olivier Veillon s’accorde à merveille avec la fantaisie, l’audace, l’imagination et la sensibilité dont déborde le comédien, et lui offre un écrin parfait, aux airs de cour de récréation.
Les quelques images d’archive et autres musiques de Michel Berger qui s’invitent judicieusement de temps à autre facilitent encore un peu plus notre immersion. Non seulement dans une époque, mais aussi dans un état d’esprit qui fait danser nos peurs au rythme de l’envie de vivre. Et finalement, qu’importe la fin ou le début, c’est ici et maintenant que tout se joue, au sens propre du terme.
« (…) essaie de vivre. Essaie d’être heureux, ça vaut le coup. »
Michel Berger
Quel bonheur de vivre une telle expérience au théâtre ! Quel plaisir de découvrir un artiste aussi pleinement habité par son art, transpirant de créativité et d’une si grande générosité… Quelques minutes suffisent pour comprendre que Solal Bouloudnine ne pourrait probablement nulle part ailleurs être autant à sa place que sur scène. La fin du début : un spectacle que l’on aimerait déjà revoir.
La fin du début, de Solal Bouloudnine & Maxime Mikolajczak, avec Solal Bouloudnine, mise en scène Maxime Mikolajczak & Olivier Veillon, se joue du 23 septembre 2024 au 05 janvier 2025 au Théâtre Lepic.
Avis
On adore tomber sur ce genre de créations. Voilà un spectacle qui ne ressemble à aucun autre, qui impose son propre univers, qui explore toute la créativité d'un artiste profondément incarné. La proposition est riche, audacieuse, et tellement sincère qu'elle nous a touchés en plein cœur.