Dans un spectacle aussi surprenant qu’humain, Honda Romance, le nouveau-né de Vimala Pons, essaye de saisir l’essence humaine. Le Théâtre de l’Odéon passe du rire aux larmes, puis au bâillement : le phénomène divise et questionne.
« Pour moi, on sculpte autant avec les pleins qu’avec les vides », explique Vimala Pons dans la présentation de son spectacle. Une doctrine qu’on retrouve tout au long de Honda Romance : 1h15 d’exploration de l’espèce humaine, une réflexion sur la pensée. Elle décortique, analyse, parfois à partir de rien, d’un vide. À travers la marche, la danse, le chant, la metteuse en scène française décompose le mouvement des émotions dans un vrai travail de chorégraphie.
Écrasée par un satellite, Vimala Pons (Vincent doit Mourir, Comment Je Suis Devenu Un Super-héros…) ouvre le rideau dans une position peu confortable, dont elle essaye de se relever. En quête de sentiment humain, le modèle Honda Romance cherche à saisir la particularité des hommes, notamment de sa propriétaire, pour lui ressembler. Pendant plus d’une heure, Vimala effleure l’introspection, et utilise le mode d’expression de la performance contemporaine pour s’adresser au monde qui l’entoure. Accompagnée de neuf chanteurs, Vimala Pons crée une symphonie autour de l’équilibre, qu’il soit émotionnel ou physique.
Honda Romance aime l’amour.
Intelligence artificielle fragile, Honda Romance fait connaissance avec l’amour, le désir, puis le regret. Enfin, il aimerait les comprendre. Dans une pièce déguisée en trois mouvements, on représente l’interconnexion des idées, aussi éphémères que perturbantes. Dans une ambiance futuriste, la comédienne effleure un panel de sensations, en les balayant, en s’interrompant, ou simplement en faisant défiler les différents moments de l’existence qu’on vit tous pour la première fois, pour la dernière fois. Honda Romance n’est qu’un prétexte pour aborder la complexité de soi, et il le réussit haut la main. Son propos est explicitement long, appuyé, répétitif, pour faire comprendre la répétition de l’esprit.

Sur une musique composée par Tsirihaka Harrivel et Rebeka Warrior, Vimala Pons chorégraphie le voyage et la transformation de notre vocabulaire, de nos expériences. La performeuse transforme sur le plateau une simple réplique en travaillant sur sa gestuelle, le ton et l’intensité qu’elle veut transmettre. Faisant de sa personne un outil de reproduction de ce qu’il se passe à l’intérieur. Vimala est époustouflante dans son interprétation, nous donnant le tournis face à toutes ces émotions à la minute. Elle danse, elle crie, tout est prétexte à évacuer ce qui bout au fond d’elle.
Le corps, aussi sublime que banal.
Dans la constante recherche du sublime, nous nous sommes habitués au quotidien ou à un mode de pensée trop traditionnel. Avec Honda Romance, la circassienne vient casser les codes du théâtre et proposer une œuvre sur la bascule du génie et de l’ennui. Retranscrit au Théâtre de l’Odéon, le choix d’une salle aussi réputée n’est pas un hasard. Le spectacle est une création qui étudie la richesse du langage, tant dans les expressions, en français et en anglais, qu’on emploie, que dans nos gestes du quotidien, dans notre manière de nous déplacer. Le spectacle montre la complexité du vocabulaire mais également de notre mouvance, dont le prototype Honda Romance est dépourvu.

La circassienne travaille son rapport à la gravité, au vertige, d’abord en tenant son complice Honda Romance sur sa tête tout en délivrant une performance, mais aussi en questionnant le déséquilibre, tant mental que corporel. Tourmentée par trois canons à explosions de vent, la comédienne dégringole, sur le rythme des mots et du temps qui passe. Vimala passe du seul en scène à neuf interprètes, et évoque notre évolution personelle dans la société, du rejet jusqu’à son intégration. Si Vimala Pons appuie pour être sûre que le spectateur a compris son message, l’accumulation peut, au bout d’un certain temps, devenir un peu maladroite.
Comprendre Honda Romance
Avec quelques touches d’humour grinçant, la création de Pons joue son rôle très au sérieux. On cherche à remettre en question tout ce que l’on connaît et que l’on a pu ressentir depuis le début. Quitte à exagérer, la mise en scène multiplie son propos et se moque des symboles ou d’un texte clair et net. À la croisée du contemporain et du drame, Honda Romance est un O.V.N.I. que certains vont adorer et d’autres détester.

De ce fait, Honda Romance s’amuse à jouer à partir de rien : un décor blanc, quasi vierge, où l’on ne voit que les acteurs qui circulent entre eux. Avec à chaque passage, un accessoire différent, une position différente. La recherche artistique est intéressante : se pencher sur les mœurs de la société et ses habitudes. Mais le propos tend parfois à devenir une parodie de lui-même. Comme un flux inarrêtable et constant de nos réflexions, l’action recommence à nouveau, sans qu’on en voit la fin. Une démarche plus que artistique, mais que certains n’apprécieront pas, à cause d’une œuvre scénique qui se moque de lasser son public ou non.
Un pari risqué
Après Le Périmètre de Denver, Vimala Pons revient avec une création dans son propre style, à sa sauce. Honda Romance est avant tout une expérience qui mêle performance, chanson et interprétation. La comédienne questionne l’agilité de nos pensées et de nos émotions, au sein d’une pièce d’1h15. Un pari risqué, qui divisera, mais qui prouvera que l’on peut encore créer avec nos pensées, sans intelligence artificielle ni les expériences d’autrui.
Honda Romance était au Théâtre de l’Odéon, du 14 au 26 octobre 2025 dans le cadre du Festival d’Automne de Paris, et sera en tournée dans toute la France prochainement.
AVIS
Honda Romance est une expérience qui mêle danse, chant, répétition. La comédienne questionne l’agilité de nos pensées dans une pièce qui peut ne pas plaire à tout le monde

