Évanouis est le nouveau film de Zach Cregger, après la très belle surprise qu’était Barbare. Débutant tel un mystère sur la disparition de 17 enfants lors d’une seule nuit, le réalisateur prodige tisse un puzzle horrifique où points de vue, tension et ruptures de ton fonctionnent sans accroc.
On l’attendait ce Évanouis (Weapons en VO, titre cryptique finalement plus adéquat), et pour cause : c’est le second film de Zach Cregger ! Scénariste-réalisateur de talent issu de la comédie (comme un certain Jordan Peele, dont on raconte qu’il aurait viré ces assistants de prod après qu’ils aient perdu les enchères pour produire Weapons), Cregger est arrivé sur la scène horrifique avec l’ultra prenant Barbare en 2022.
Enfants évanouis dans la nature
Adepte des high-concepts simples et de l’anxiété anticipatoire pour procurer de purs frissons, Zach Cregger déroulait ainsi un récit mutant à mi-parcours, tel un jeu avec les spectateurs et ses personnages. Décidé de remettre le couvert, le voilà de retour avec Évanouis, un film plus ample dans sa construction mais qui touche également une fibre personnelle.
Démarrant par une voix-off telle un conte, le film décrit la disparition à 2h17 précise de 17 enfants de CE2… tous issus de la même classe ! Un évènement traumatique pour la petite bourgade américaine, d’autant qu’aucune piste sérieuse n’est mise en évidence. Pourtant, de troublants éléments concurrent à rendre ces disparitions encore plus étranges : certaines caméras de surveillance montrent ces 17 enfants en train de courir dans une posture commune, vers une destination inconnue !

Est-ce la faute de leur maîtresse Justine Gandy (Julia Garner) ? C’est ce que pense une bonne partie des parents endeuillés, comme Archer Graff (Josh Brolin). Enfin, seul un enfant de cette classe n’a pas été porté disparu ce jour-là. De quoi intriguer Justine, qui va tenter de comprendre ce qui a pu se passer il y a plusieurs mois !
Magnolia chez Stephen King
Comme sa dimension « Gone Girl » introductive (la mise en scène de Cregger épouse par ailleurs quelques gimmicks de Fincher) le laisse deviner, Évanouis laisse de côté toute dimension fantastique pour mieux jongler entre les points de vue des divers protagonistes (6 en tout!). Du Robert Altman/Magnolia en somme, instillant un excellent suspense tout au long du film tout en explorant la psyché des divers protagonistes.
Un exercice qui opère des cassures de rythme certes, notamment lorsqu’on s’attarde sur un Alden Ehrenreich poussé à bout en flic ou le proviseur joué par le toujours sympathique Benedict Wong. Évanouis réussit néanmoins le pari de construire brique par brique un gros puzzle, dont chaque pièce offre finalement une tessiture différente.

Ce n’est donc pas étonnant que le film débute en suivant Julia Garner, institutrice dépressive et alcoolique qui va tenter de comprendre ce qui est arrivé, avant de bifurquer sur le point de vue de Josh Brolin en père de famille enquêtant lui-même sur une piste inédite. Chaque point de vue et chaque trame s’entremêle donc à la Rashomon, mais Cregger veille surtout à ne jamais faire de redite malgré ces changements réguliers de focus.
Puzzle mutant
Évanouis va donc toujours de l’avant, jusqu’à parfois changer de ton (excellent segment humoristique avec Austin Abrams) à mesure que le spectateur découvre le pot-aux-roses. Comme dans beaucoup d’œuvres à mystère (The Leftovers), le voyage vaut parfois plus que la destination, et c’est aussi un mantra d’Évanouis. Non pas que la réponse ne soit pas satisfaisante, d’autant que c’est l’occasion pour Cregger de nous abreuver d’un climax gonzo bien violent et cathartique.
Malgré tout, on aurait aimé que la mythologie déployée soit plus exploitée, notamment à travers une conclusion moins expédiée. Comme si au moment du bouquet final, le réalisateur décidait de rabattre les cartes de manière cohérente, mais sans transformer l’essai. Une impression de trop peu sans doute qui se révèle être la faiblesse d’Évanouis.

Néanmoins, difficile de rester de marbre devant cette horlogerie aussi bien calibrée en terme d’écriture et de mise en scène, proposant régulièrement de vrais moments de tension faisant froid dans le dos (tout ce qui tourne autour d’une certaine maison) et de violence graphique jubilatoire. En d’autres termes, Évanouis est non seulement un pur plaisir de film de genre, mais également la confirmation du talent précieux de Zach Cregger !
Évanouis sortira au cinéma le 6 août 2025
avis
Évanouis est la confirmation que Zach Cregger est une des voix qui compte dans le paysage horrifique moderne. Pour autant, le réalisateur-scénariste livre avec ce récit ample à la Stephen King un puzzle narratif avant tout porté sur les trajectoires de ces excellents comédiens plutôt que sur la frousse facile. Le voyage vaut plus que la destination, pourtant on en sort avec l'impression d'avoir assisté à un film de genre dense et bien singulier. Une jolie réussite !