Eden arrive en catimini directement en streaming, plus d’un an après sa présentation en Festival. Pourtant ce nouveau film de Ron Howard compte une belle distribution (Jude Law, Ana de Armas, Sydney Sweeney, Vanessa Kirby..) devant cohabiter sur une île des Galápagos. Un résultat fortement en demi-teinte…
Eden est le dernier film de Ron Howard, réalisateur fascinant à plus d’un titre car capable du meilleur (Rush, Cocoon, Willow) comme du pire (Da Vinci Code, Le Grinch). Une filmographie tiède en somme, mais qui n’hésite pas à surprendre dans le choix des divers projets (Solo – A Star Wars Story, Apollo 13) si bien qu’il y a toujours une petite curiosité à découvrir ses derniers projets.
à l’ouest d’Eden
Après sa présentation tout aussi tempérée au Festival de Toronto en 2024, Eden débarque donc directement en streaming, à l’instar de ses deux précédents métrages Une ode américaine et Treize Vies. Basé sur une histoire vraie à l’issue sordide (et conservant donc une part d’ombre sulfureuse propice pour le cinéma), Eden nous place en 1930, plusieurs mois après que le Dr Friedrich Ritter (Jude Law) fuit le monde occidental vacillant avec sa femme Dora (Vanessa Kirby), atteinte de sclérose en plaques.

Vivants désormais seuls sur l’île Floreana au sein de l’archipel des Galápagos, la tranquillité du couple va vite être interrompue avec l’arrivée de Heinz (Daniel Brühl), son fils et sa femme Margret (Sydney Sweeney). Une entente cordiale s’installe, elle-même dérangée par l’invitation impromptue de la baronne Eloise Bosquet de Wagner Wehrhorn (Ana de Armas), prête à tout pour bâtir un hôtel de luxe.
Koh-Lanta – Nietzsche Edition
Eden s’apparente donc rapidement à une boîte de pétri sociologique, où trois entités tentent de cohabiter : un couple nietzschéen voulant dépasser les affres de la société européenne pour un retour essentiel à la nature, une famille désireuse de bâtir un nouveau foyer pour leur futur enfant, et une antagoniste libertine gouvernée par l’enrichissement et sa philosophie du paraître.
Et à ce titre, le casting d’Eden est plutôt réussi, en particulier vis-à-vis du choix d’Ana de Armas en succube polyamoureuse et manipulatrice. Un rôle de « vilaine » qui sied parfaitement à l’actrice cubaine dans un registre différent. C’est bien elle qui apporte le soupçon de mordant nécessaire à cet Eden baigné d’une lumière cramoisie, comme si aucune vie n’était réellement possible dans ce décor tropical photographié de manière (volontairement ?) stérile.

Le film place efficacement ses pions au sein de cette retraite radicale vendue comme utopique. Les rapports de forces se bousculent à combustion lente, observés et expérimentés à travers les yeux d’une Sydney Sweeney constamment juste dans son jeu en retrait. La rudesse de l’environnement d’Eden laisse ensuite la place à un évènement perturbateur de bonne tenue : un accouchement contrarié par un vol, l’absence d’aide et le danger animal qui ronde.
Jeu de massacres en bac-à-sable
Une acmé qu’Eden ne questionnera plus jamais, et que le film ne retrouvera jamais avant une lente descente vers un jeu de querelles, de violence et de menaces sans réelle gestion de la tension. Pire, certains personnages sont bazardés sur le bas côté au profit des élucubrations philosophico-caricaturales d’un Jude Law lâchant progressivement la bride idéologique que son personnage conservait.

La logique interne et narrative du récit est ainsi cohérente dans sa manière d’illustrer la déliquescence d’un renouveau sociétal dont la principale menace viendra toujours de l’incapacité des individus à dialoguer autrement que via une vision ne dépassant pas le point de vue individuel. En ce sens, le métrage de Ron Howard tape juste et laisse songeur. Pour le reste, malgré un casting compétent et une première heure relativement ludique, ce ne sont pas la musique anonyme de Hans Zimmer ni l’écriture parfois grotesque de sa dramaturgie qui vont faire d’Eden un des crus du cinéaste. Revoyez Triangle of Sadness !
Eden est disponible sur Prime Video depuis le 24 octobre 2025
avis
Malgré ses prémices excitantes et une première à combustion lente relativement efficace, Eden tombe à l'ouest dans sa manière d'illustrer une utopie déliquescente. En résulte un divertissement à peine passable et plutôt grossier, malgré son casting de qualité.

