La Disparition de Josef Mengele adapte le prix Renaudot éponyme d’Olivier Guez. Présenté à Cannes Première, ce nouveau film de Kirill Serebrennikov (Leto, La Femme de Tchaïkovski) entend donc lever le voile sur le médecin tortionnaire d’Auschwitz alors qu’il fuit en Amérique du Sud.
La Disparition de Josef Mengele était évidemment une belle attente du Festival de Cannes 2025. En effet, il s’agit du nouveau film de Kirill Serebrennikov, auteur russe dissident responsable de Leto, La Fièvre de Petrov ou bien La Femme de Tchaïkovski. Un auteur de grand talent et virtuose de la mise en scène qui a su aborder divers sujets pittoresques de son Europe de l’Est natale, jusque dans le tout récent biopic sur Limonov.
C’est donc avec une ferveur non-dissimulée qu’on attendait son adaptation du roman d’Olivier Guez sorti en 2017, levant le voile sur les 30 dernières années de vie du bourreau d’Auschwitz. Une manière de disséquer le Mal absolu en somme, comme en témoigne l’édifiante introduction du métrage dans le Brésil moderne : des étudiants s’amassent autour du squelette de Mengele, comme si de manière méta Serebrennikov nous adressait sa note d’intention.
Anatomie du mal absolu
Une dissection en bonne et due forme pour savoir qui est Josef Mengele, fuyant à Buenos Aires dans les années 50 sous un régime favorable au nazisme, avant que le vent ne tourne et l’oblige à vagabonder incognito au Paraguay puis au Brésil. Une fuite ponctuée par les visites de son fils (horrifié par l’Ange de la Mort qu’est son paternel), un lien attractif-répulsif avec sa belle-sœur Martha et surtout le délitement progressif de Mengele jusqu’à sa mort par noyade en 1979.

Et là où La Disparition de Josef Mengele nous capte d’entrée de jeu, outre sa patte visuelle monochromatique nous téléportant dans une zone de gris morale, c’est de par le point de vue de la narration. Tout est raconté par Mengele lui-même, incarné avec aisance et brio par un August Diehl (Une Vie Cachée) complètement habité.
La Disparition de Josef Mengele doit ainsi beaucoup à l’acteur, terrifiant de maîtrise, rendant son personnage tantôt pathétique, tantôt inhumain. Kirill Serebrennikov nous invite à rester 2h30 avec cet homme irrationnel vociférant des insanités à la gloire du Reich, dont l’aveuglement le pousse durant tout le film à ne jamais remettre en cause ses actes.
Les nazis ont encore le mauvais rôle
Là est sans doute la limite du métrage, beaucoup trop long pour ce qu’il a à raconter de ce criminel au mode de pensée obtus. Pour autant, Serebrennikov traite son sujet sans manichéisme, explorant la psyché déliquescente du personnage l’aune de son entourage. Ces visites familiales qui se détériorent en même temps que sa santé (le travail sur le maquillage est saisissant), tout comme son voisinage initialement composé de sympathisants nazis avant que le monde ne supprime toute trace de leur existence.

Une issue funeste qui se veut donc ironique devant l’idéologie suprémaciste et génocidaire que Mengele personnifie à lui seul. Un contraste supplémentaire est d’ailleurs mis en exergue dans la seconde partie du métrage, certes redondante également, pointant du doigt les anciens collègues pseudo-blanchis du boucher d’Auschwitz tandis que lui est en cavale.
Narration explosée dans un magnifique écrin expressionniste
Et derrière une narration éparpillée aux segments disparate, Kirill Serebrennikov conserve une mise en scène plus contenue qu’à l’accoutumée, mais proposant par instants des envolées de vraies envolées de réalisation. On pense à cette réception qui tourne mal à coups de plan-séquence, mais surtout de cette irruption de la couleur en plein milieu du récit.

LA séquence de La Disparition de Josef Mengele, dans un Super 8 émulant des images d’archives où le spectateur est plongé tête la première dans les camps d’extermination et les expérimentations sordides orchestrées (notamment sur des jumeaux difformes). Un coup d’œil dans l’horreur qui a lui seul vaut le visionnage ! On aurait aimé une narration plus linéaire afin de mieux apprécier le cheminement mental de son sujet, mais malgré le côté foutraque de la chose, difficile de rester insensible à cette proposition de cinéma. Du Serebrennikov donc !
La Disparition de Josef Mengele sortira au cinéma en 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
La Disparition de Josef Mengele se veut une adaptation réussie du roman d'Olivier Guez, malgré une narration éclatée tournant parfois en circuit fermé dans sa seconde partie. Une faiblesse qui ne nuit pas vraiment à cet exercice de dissection du mal nazi, par un Kirill Serebrennikov s'affirmant à nouveau comme un cinéaste de renom. Bercé par une palette monochromatique et réhaussé par un segment central terriblement impactant, l film tient sa solidité par la performance habitée d'August Diehl.