Entre nostalgie et émotion, Culte – 2Be3 ressuscite les années 90 à travers le destin des 2Be3, icônes d’une génération.
Après une première saison centrée sur Loft Story, la série anthologique Culte revient avec une nouvelle plongée dans la mémoire populaire française. Cette fois, elle s’attarde sur le phénomène 2Be3. En effet, ce groupe reste emblématique des années 90. Culte – 2Be3 revisite avec sensibilité les trajectoires de Filip Nikolic (Antoine Simony), Franck Delay (Marin Judas) et Adel Kachermi (Namory Bakayoko). Ces trois garçons ordinaires sont devenus des idoles en un éclair.
Cette saison, saluée pour sa justesse et sa tendresse, ne se contente pas d’un hommage nostalgique. En effet, elle raconte aussi l’envers du décor, les sacrifices, les tensions. Ainsi que la fragilité d’un rêve trop grand pour durer.
Un premier rendez-vous ce soir avec vous
La première saison de Culte avait posé les bases de son approche. Premièrement, l’objectif consistait à revisiter les grands phénomènes populaires de la télévision française. Ensuite, la série mêlait fiction et réalité. Avec Loft Story, elle s’intéressait à la naissance de la télé-réalité. Elle abordait ses promesses. Par ailleurs, elle montrait ses dérives.
Ce mélange de fiction documentée a séduit un large public. D’abord avec une émotion sincère. Ensuite, grâce à la soif de nostalgie lucide. Le pari de cette saison 2 consiste à appliquer la même approche. Dès lors, elle s’attaque à un autre mythe générationnel. Ce mythe, c’est le boys band 2Be3.

Culte – 2Be3 : partir un jour
Avant de devenir une marque, 2Be3 symbolisait une histoire d’amitié solide. En effet, trois copains de Longjumeau partageaient une même passion. Ils rêvaient de percer dans le show-business. Ils étaient passionnés de danse. Mais aussi de sport. Alors, en 1996, le phénomène explose soudain. Les tubes s’enchaînent en série. Les fans entrent en transe devant la scène. Le groupe fait la une des magazines. Filip, Adel et Franck deviennent rapidement les symboles d’une génération pop.
La série rappelle une vérité essentielle. Cependant, derrière les sourires et les chorégraphies se cachaient des garçons. Ils étaient pris dans une machine qui les dépassait. Culte : 2Be3 aborde leurs origines modestes sans misérabilisme. De plus, elle explore la forte pression médiatique et détaille les déséquilibres internes d’un succès fulgurant. Et sa chute.
Laisse la musique
La force du scénario repose sur un ancrage social et culturel. De fait, il se montre pertinent. On y voit la banlieue comme un tremplin, une terre d’élan. L’industrie musicale est perçue comme un ascenseur social. Toutefois, elle est aussi dépeinte comme un piège cruel. L’amitié est ainsi montrée comme l’unique rempart. Elle s’oppose ainsi à la solitude du star-système.
Par ailleurs, la série de Yaël Langmann (connue pour l’écriture de la série acclamée Chair tendre ou pour Le scénario de Les Choses Humaines) offre une réflexion profonde. Elle analyse la marchandisation des corps. Elle observe la standardisation des émotions et rappelle que les boys band étaient des produits formatés. Le contrat des garçons se montrait très strict. Il limitait leur liberté artistique. Or, la série met en lumière cette aliénation économique. Le rêve est devenu une industrie.

Would you be my girl, la patte Yaël Langmann
La réalisatrice Yaël Langmann signe la création et la mise en scène. Premièrement, elle mise sur une ambiance années 90 travaillée. Les affiches d’époque, les paquets de céréales, les fringues oversized… la personnalise. Les couleurs sont saturées. De plus, la caméra à l’épaule donne une sensation d’urgence. Tout est réuni pour l’immersion.
La créatrice assume un parti pris visuel audacieux. Ainsi, il est teinté d’une esthétique queer et pop. Il offre une lecture contemporaine du mythe boys band. Cette approche s’inscrit dans un courant critique. Par ailleurs, elle évite la copie carbone simpliste. Elle est même souvent comparée favorablement au biopic TF1 Filip. La réalisation de Yaël Langmann privilégie la nuance. Tandis que le téléfilm de TF1 s’apparentait davantage au soap opéra sans véritable parti pris esthétique.
Donne un sens à ton casting
Les acteurs restituent avec justesse la dynamique du trio. On perçoit la tendresse. De même, la complicité reste palpable. Néanmoins, la rivalité interne est aussi explorée. Mention spéciale à Antoine Simony dans le rôle de Filip Nikolic. En effet, il a beaucoup travaillé les archives. Il capte l’énergie et la vulnérabilité du leader.
L’interprétation de Daphné Bürki se révèle étonnante. Elle incarne Salomé, la productrice. Elle joue la mentore des trois jeunes hommes. En outre, ses scènes avec Gregory Montel (vu dans la série Dix pour cent) offrent un contraste saisissant. Leurs interactions donnent la sensation d’une parodie de l’industrie musicale. Cela contraste avec le sérieux du reste de la série. Cependant, on ne sait pas si cet effet est pleinement assumé.
En outre, le décor tend parfois vers les années 70. Les looks de Daphné Bürki ou Gregory Montel posent question. Est-ce une erreur de direction artistique ? Et que dire des anomalies liées aux 2Be3 : torses velus, cheveux bruns pour le personnage de Franck. Sans parler de son look sorti tout droit d’un clip d’Oasis avec ses cheveux mal peignés… Mention spéciale à l’idée d’intégrer le « vrai Franck » (Franck Delay) au casting qui joue Thierry. Le spectateur peut ressentir, à chacune des ses apparitions la sincérité émouvante avec laquelle il aborde ce rôle de mentor pour le Franck joué par Marin Judas. Une sorte de mise en abime touchante. On aperçoit aussi rapidement Chris Keller.

Filip Nikolic : don’t say goodbye
Impossible d’évoquer Culte : 2Be3 sans parler du destin tragique de Filip Nikolic. Le chanteur au sourire solaire, disparu en 2009, hante la série de bout en bout. La fiction lui rend un hommage pudique, loin du pathos, en évoquant ses doutes intimes. Mais aussi sa quête d’identité après la fin du groupe (avant aussi, en réalité), et la difficulté de vivre après avoir incarné un symbole générationnel.
Le traitement de son personnage, à la fois poétique et tragique. Il donne toute sa profondeur à la série. On y sent la mélancolie du succès éphémère. Mais aussi la tendresse intacte de ses amis. La série explore ses blessures narcissiques d’enfant qui ne s’est pas senti aimé, reconnu, notamment par un père ancré dans une culture sévère. L’analyse psychologique demeure délicate. Bien que la série n’ait pas la prétention d’un documentaire clinique, elle ouvre des pistes de compréhension.
Naviguer sans phare
La série aborde un point crucial. Premièrement, elle montre l’épuisement émotionnel. Deuxièmement, elle montre l’absence de reconversion. Or, c’était le lot de nombreuses stars des années 90. D’ailleurs, la machine médiatique jette souvent ses idoles qui se retrouvent abandonnées au moment où elles s’avèrent les plus fragiles. Le biopic de Yaël Langmann dénonce ce cynisme. Finalement, il humanise une figure souvent réduite à une simple coupure de presse.

Toujours là pour toi
La dernière partie, portée par les interventions de Franck Delay et Adel Kachermi, agit comme un épilogue émouvant. (J’avoue, j’ai versé ma larme 😉
Leur sincérité, leur pudeur et leurs souvenirs viennent clore la série sur une note humaine et fraternelle. Ce ne sont plus des stars, mais des hommes qui regardent leur jeunesse en face, avec gratitude et un brin de nostalgie.
Culte : 2Be3 réussit ainsi à mêler mémoire collective et introspection, à faire vibrer l’émotion sans jamais tomber dans le mélodrame. Cependant, si on approfondit son analyse au-delà de la madeleine de Proust, force est de constater que la série souffre de nombreuses faiblesses techniques. Les dialogues et les situations manquent souvent de crédibilité. Le récit, bien que touchant, reste convenu. Il est parfois trop sage et peine à surprendre le spectateur.
Culte – 2Be3 est disponible sur Amazon Prime depuis le 24 octobre 2025
Avis
Culte : 2Be3 se révèle une série touchante. Elle fait vibrer la corde nostalgique de nos années de jeunesse. Toutefois, elle ne révolutionne pas le genre du biopic. Elle bénéficie de la réalisation soignée de Yaël Langmann, mais manque de crédibilité sur certains aspects. À voir comme un témoignage sur la fragilité de la gloire. Comme un guilty pleasure.

 

