Cœur à cœur est un seul en scène drôle et touchant dans lequel William Rageau donne la parole à nos organes.
Dans Cœur à cœur, ce n’est pas un comédien qui s’adresse à nous, mais plutôt les organes d’un corps qui s’expriment à travers lui ! Une sorte de Vice-Versa si vous voulez ! Un « presque » seul en scène donc, original, drôle et très touchant.
Une plongée au cœur du corps
Coco, le cœur, et Jacques, le cerveau, discutent. Assez classique en réalité ! Enfin sauf que là, ils discutent vraiment, à haute voix ! Ils sont dans le corps de Guillaume, qu’ils occupent aux côtés de tout un tas d’autres locataires plus ou moins envahissants. Il y a les nerfs, qui sont parfois un peu tendus, les cheveux, les poils, les intestins qui ne cachent pas leur paresse… Les muscles aussi, qui ne sont d’ailleurs pas franchement au top de leur forme…
« Vivre est un travail d’équipe ! » Voilà qui résume assez bien l’état d’esprit de ces organes bien décidés à tout faire pour que Guillaume soit heureux. Mais c’était sans compter sur Henri, l’intrus venu prendre part à la fête sans y être invité, avec pour but d’être le grain de sable dans la machine. Henri, c’est la maladie. Sournois, il s’avance dans l’ombre pour menacer le corps. Mais c’était mal connaître Guillaume et son cerveau ! Il n’en faut pas plus à ce dernier pour avoir des envies de grandeur ! Malgré tout, les défis à relever seront nombreux et demanderont la bonne volonté de tous les organes.
Si nos organes pouvaient parler…
Si nous avons du mal à imaginer que ce récit puisse ne pas être autobiographique, c’est néanmoins dans le corps de Guillaume, chef d’orchestre de tout ce petit monde, que nous plonge William Rageau. Seul sur scène, il incarne chacun de ces organes qu’il affuble d’un prénom, d’une personnalité, d’une énergie, comme s’il s’agissait de véritables personnages. En tant qu’ancien infirmier, on imagine que ce ne sont pas les expériences qui ont manqué au comédien pour puiser son inspiration.
La mise en scène est épurée, le décor absent. William Rageau fait exister notre monde intérieur de sa seule présence, de son seul talent, créant des situations souvent décalées mais jamais complètement dénuées de sens pour autant. Et il parvient à nous captiver tout du long, même si nous nous sommes parfois surpris à décrocher un instant. Quelques longueurs sans doute, auxquelles des ruptures de rythme pourraient aisément remédier.
Quel comédien !
William Rageau est formidable. Le comédien a choisi l’angle de la pudeur, de l’humour et de la résilience pour aborder l’intime, la maladie. Un choix que nous avons déjà beaucoup apprécié dans deux autres pièces à applaudir durant ce festival : Les frottements du cœur, qui nous immerge dans un service de réanimation, et Hépatik Girl, qui aborde un parcours de vie avec des maladies auto-immunes.
Son jeu est d’une justesse bouleversante, d’une générosité qui nous le rend immédiatement attachant, d’une précision admirable dans cet enchaînement de personnages. Il nous fait rire à en pleurer lorsqu’il nous fait voyager à travers les intestins avec une lampe torche pour nous faire rencontrer un personnage hilarant… que nous vous laisserons découvrir ! Il nous attendrit avec un poème dans un moment plus délicat, et nous donne le sourire quand la passion… et pas forcément celle à laquelle on s’attend, vient réchauffer le cœur de sa lumière. Un très joli moment d’humanité.
Cœur à cœur, de et avec William Rageau, mise en scène Nicolas Laurent et William Rageau, se joue du 3 au 21 juillet 2024 à 17h35 (relâche les mardis) au Théâtre des Barriques.
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Avis
On a presque du mal à croire que William Rageau est seul sur scène tant les organes du corps qu'il personnifie s'imposent sur scène ! Christian Hecq, de la Comédie-Française, prête d'ailleurs sa voix à l'un des personnages. Une chose est sûre, on ne pensera plus à notre cœur, notre tête ou nos intestins de la même manière dorénavant !