Carla Monteiro et le spectre de Paris est un roman historique teinté de mystère. Ici, Christine Krieger nous plonge dans un Paris réinventé, entre lumières de la régence et ombres d’un tueur capuchonné. Si l’ambiance et les thématiques ésotériques intriguent, le récit hésite entre enquête policière et romance. Malheureusement, au point de perdre en clarté.
Carla Monteiro, jeune garde de Lys de 22 ans, est propulsée au cœur d’une série de meurtres sanglants qui secouent Paris. Sept victimes, toutes issues de milieux modestes, ont déjà succombé sous la lame d’un mystérieux assassin. Déterminée et fougueuse, Carla se lance dans une enquête périlleuse. Celle-ci va l’entraîner des bas-fonds aux salons de l’aristocratie, où les intrigues se mêlent aux passions interdites.
Un Paris uchronique
La bonne idée de l’autrice, c’est de ne pas se contente de planter son intrigue dans le Paris du XIXè siècle. Mais de la réinventer ! En 1847, la capitale n’est plus sous la houlette de Louis-Philippe, mais d’une reine Marguerite visionnaire. Celle-ci redéfinit le rôle des femmes au sein d’une société corsetée. Ce simple décalage place le récit dans une uchronie assumée. On y croise notamment des gardes féminines et des bouleversements politiques imaginés. Résultat : un Paris à la fois familier et décalé, vibrant de mystère, d’ésotérisme et d’émancipation.
Christine Krieger, entre cinéma et littérature
Ancienne monteuse vidéo et infirmière, Christine Krieger a l’art de tisser des récits où l’humain occupe toujours le premier plan. Son premier livre, Dans l’ombre de la terre : Opération Axolotl, nous montrait déjà cette fusion entre mystère et compassion. Avec Carla Monteiro et le spectre de Paris, elle explore cette fois un XIXe siècle réinventé. Et y mêle intrigue policière, romance et arrière-plan historique.

« Chaque secret que nous gardons est une histoire inachevée. »
Intrigue et personnages
L’histoire oscille entre l’enquête criminelle et les intrigues de cour. L’auberge de la Rapière Écarlate, la duchesse de Valcourt et ses fêtes décadentes, ou encore le mystérieux cercle de la Rotonde composent une fresque foisonnante. Autour de Carla gravitent des personnages secondaires hauts en couleur :
- le prince Henri, séducteur invétéré;
- Éloïse, l’amie ambivalente;
- Docteur Ratdford, l’investigateur en chef;
- ou encore Gaston, dont la loyauté bascule dans l’ombre.
Mais ces personnages, parfois mal exploités, disparaissent ou réapparaissent sans véritable transition.
Ésotérisme et spectres
Au fil de l’enquête, l’intrigue prend une tournure de plus en plus sombre. Et flirte ainsi avec l’ésotérisme et les récits de sorcellerie. Des fioles écarlates, des rituels nocturnes, des corps de jeunes femmes vidées de leur sang… Le lecteur retrouve des échos directs au mythe d’Élisabeth Báthory, la célèbre « comtesse sanglante » du XVIIe siècle. Celle-ci était accusée d’avoir torturé et assassiné des dizaines de jeunes filles pour se baigner dans leur sang et préserver sa jeunesse. Christine Krieger convoque cette figure légendaire comme une ombre menaçante qui plane sur Paris. Les victimes sont choisies selon un calendrier occulte. Et la duchesse de Valcourt semble incarner une héritière moderne de cette cruauté aristocratique. En outre, ces références nourrissent une atmosphère macabre où les frontières entre enquête policière, chronique historique et conte gothique se brouillent. Ce qui renforce l’idée que les puissants s’abreuvent littéralement de la vie des plus vulnérables.
Un style riche mais inégal
Christine Krieger possède une plume dense et visuelle, héritée de son expérience dans le cinéma. Elle use de métaphores évocatrices : « Ne laissez pas les ombres troubler votre esprit » ; « Une Reine n’est pas un Roi » ; etc.
Ces phrases marquent l’esprit du lecteur. Cependant, le texte souffre de transitions maladroites et de flashbacks insérés sans fluidité. Ce qui brouille la compréhension et rend la mise en place de l’univers un peu confus.
Des incohérences dommageables
Si la lecture reste fluide, plusieurs incohérences freinent l’immersion. Les transitions entre passé et présent manquent de clarté. De plus, certains développements (comme le sort d’Henri et Carla après leurs découvertes) restent flous. Et la fin laisse trop de questions sans réponses. L’impression générale est celle d’une promesse non tenue. Le roman vend une enquête historique uchronique, mais c’est la romance qui prend le dessus.
Christine Krieger – Carla Monteiro et le spectre de Paris, éditions Librinova, 225 pages, paru le 9 juin 2025.

Avis
Carla Monteiro et le spectre de Paris se lit facilement et offre une ambiance singulière, entre complots aristocratiques et rituels occultes. Mais les incohérences, le déséquilibre entre enquête et romance, et une fin confuse nuisent à l’ensemble.