Bernadette n’a finalement que très peu de choses à dire sur sa Première Dame, et ce malgré son casting prestigieux.
Bernadette sort quelques semaines après la série consacrée à Bernard Tapie, proposant tous deux des portraits non-officiels de leurs personnalités respectives, oscillant entre biographie et fiction. Si cette dernière s’est trouvée chapeautée par Tristan Séguéla, fils d’un très proche ami de Bernard Tapie, ce Bernadette se voit mis en scène par Léa Doménach, jeune scénariste (dont le talent fut observée sur la première saison de la géniale Jeune & Golri) fille du journaliste politique Nicolas Domenach, qui s’est spécialisé sur la personnalité d’un certain Jacques Chirac. Ainsi, si Tapie oscillait entre hagiographie d’un personnage trouble adulé et portrait d’une France en pleine mutation, le film de Léa Doménach se propose de regarder dans la lorgnette l’intimité d’un couple présidentiel en s’intéressant à la figure souvent oubliée de la Première Dame.
Ainsi, s’il s’agissait pour l’ancien homme d’affaires préféré des français de revenir sur son parcours bien connu et identifié de la part de millions de français, et de tenter d’esquisser un portrait bien plus complexe que celui observé au travers des écrans de télévision, l’ambition de Bernadette s’avère bien plus modeste, tant il s’agit pour Léa Doménach et sa scénariste Clémence Dargent (à l’œuvre sur les deux excellentes saisons d’OVNI(s)) d’humblement redonner la place qu’elle mérite à une femme de l’ombre, injustement méprisée et moquée. Pourtant, et même accompagnées d’une volonté de comédie colorée portée par un prestigieux casting, les deux scénaristes s’avèrent incapables de saisir l’importance de leur personnage qu’au détour de petites scénettes, parfois aussi amusantes qu’artificielles, dans un projet qui n’a finalement que très peu de choses neuves à proposer.
Potiche présidentielle
Bernadette débute ainsi par l’arrivée de Bernadette Thérèse Marie Chodron de Courcel, dite Bernadette Chirac, à l’Elysée, suite à la première victoire présidentielle de son mari en 1995. Rythmé par une chorale, comme pour épouser l’image très pieuse de son personnage, le portrait de Léa Doménach et Clémence Dargent se propose ainsi de redorer l’image de la Première Dame, dont les nombreuses qualités furent étouffées par un machisme ambiant, qui régnait dans les couloirs de l’Elysée jusqu’aux écrans de télévision, avec en parangon la représentation très peu flatteuse, contrairement à son président de mari, qui fut réservée à Bernadette Chirac par Les Guignols de l’Info. Et dans ses premiers instants, pour ce Bernadette, de réellement toucher son but. Porté par un casting prestigieux, on retrouve ainsi une Catherine Deneuve directement échappée du Potiche de François Ozon, dont l’influence majeure aura peu à peu raison de ce finalement très anecdotique projet.
Parce que malgré son duo génial avec Denis Podalydès, et les prestations très convaincantes de Michel Vuillermoz, Sara Giraudeau, Maud Wyler, François Vincentelli, Laurent Stocker et Lionel Abelsanki, et une même volonté de portrait kitsch, féministe et enamouré, Bernadette ne raconte finalement pas grand chose. N’allant jamais jusqu’au bout de ses nombreuses et passionnantes pistes, que ce soit celle d’une satire du machisme au détour de ses portraits peu glorieux de ses personnages masculins, d’une reconquête médiatique, de l’engagement en faveur de l’hôpital public en passant par celle d’un véritable engagement politique, qui restera la véritable passion de Bernadette Chirac, tout s’avère simplement abordé mais jamais vraiment approfondi, dans de sympathiques mais finalement très artificielles vignettes, qui finissent, comme le métrage, par rapidement tourner en rond.
Politique toc
Délaissant les couleurs de Potiche, Bernadette s’inscrit ainsi plutôt dans les pas des fades et franchement inutiles La Conquête, comédie de Xavier Durringer sortie en 2011, qui revenait sur la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et du Présidents d’Anne Fontaine, qui faisait s’allier François Hollande et Nicolas Sarkozy. Déjà, on y retrouvait cette incapacité à s’emparer de personnalités politiques actuelles qu’en ne les croquant que par le prisme de l’artificiel pastiche, et n’ayant, derrière les incarnations tant attendues et scrutées des acteurs les campant, et offrant au passage un os à ronger pour la scène médiatique, finalement rien de neuf à proposer. On y déroule ainsi le même schéma attendu d’évènements connus et identifiés, déjà scrutés par nombre d’articles et d’images auquel ces projets n’apporte strictement rien de nouveau, que ce soit en terme de regard critique où d’apport fictionnel abouti.
Il en est ainsi de même pour ce Bernadette, qui malgré les quelques sourires que parviendront à faire décrocher certains numéros d’acteurs, n’apporte finalement rien de neuf sur son sujet. Malgré nombre de pistes intéressantes, toutes s’avèrent finalement servir de maigre argument de comédie, abordant sans les creuser comme pour cocher des cases et apporter une certaine légitimité à des faits connus et rebattus, sans y apporter la moindre nouveauté. Et ainsi de confirmer l’incapacité du cinéma français à s’emparer de portraits aboutis de personnalités politiques actuelles sans tomber dans l’anecdotique et la simple posture, qui en voulant se moquer du pouvoir, n’égratigne ni ne glorifie finalement personne, et surtout ne fait jamais passer ces personnalités de l’écran de télévision à celui, beaucoup trop grand pour eux, du cinéma.
Bernadette est actuellement en salles.
Avis
Bernadette, au-delà des numéros haut en couleurs délivrés par son prestigieux casting, n'a finalement rien de neuf à proposer qu'une suite de scénettes aussi amusante que finalement très anecdotiques, qui au lieu de rendre gloire à sa Première Dame, confirment plutôt une fois de plus l'incapacité du cinéma français à réellement se saisir de portraits aboutis de personnalités politiques actuelles.