Bel-Ami est l’adaptation pleine de créativité de l’œuvre de Maupassant par la talentueuse compagnie Les Joues Rouges.
Georges Duroy débarque à Paris, en 1880, avec la ferme intention de s’y faire un nom. Très vite, ce provincial sans le sou va se voir proposer de rejoindre la rédaction du journal La Vie Française. C’est alors le début de l’ascension sociale pour ce jeune arriviste qui va, sans aucun scrupule, user de ses talents de beau-parleur et de manipulateur pour séduire tour à tour toutes les femmes influentes et ainsi parvenir à ses fins et sortir de sa condition. Une histoire tout aussi captivante que cette excellente adaptation.
Un Bel-Ami singulier
Nous avons hésité à aller découvrir une nouvelle adaptation de ce classique de Maupassant, si tôt après être allés applaudir celle, très réussie, d’Arnaud Gagnoud pendant le Festival d’Avignon 2025. Mais nous avions un trop beau souvenir du précédent spectacle de la compagnie Les Joues Rouges, L’écume des jours, de Boris Vian, qui avait d’ailleurs révélé le merveilleux Ethan Oliel, récompensé du Molière de la révélation masculine 2024 pour son rôle dans Le cercle des poètes disparus.

Et nous avons bien fait d’être curieux, car ce Bel-Ami, adapté et mis en scène par Claudie Russo-Pelosi, propose quelque chose de très différent, de singulier, de créatif et de formidablement moderne, qui donne une résonance très contemporaine au propos et nous fait découvrir d’autres aspects de l’œuvre.
Une adaptation originale et audacieuse
On est très vite happé par la mise en scène de Claudie Russo-Pelosi. Les lumières, musiques, projections visuelles et autres effets viennent appuyer la dimension romanesque de ce récit, tout comme ces mouvements chorégraphiés, aussi pertinents qu’esthétiques, qui se glissent de temps à autre dans le jeu, marquant la cadence, et qui nous hypnotisent.

Les choix de coupes sont eux aussi intéressants ; ils célèbrent la poésie du texte. On pense notamment à cet échange au clair de lune entre Duroy et Norbert de Varenne, où ce dernier livre une pensée philosophique sur la mort, qu’une lumière bleutée vient rendre un peu plus puissante encore. Un monologue marquant et magnifiquement interprété par Adrien Grassard.
« Il arrive un jour, voyez-vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, où c’est fini de rire, comme on dit, parce que derrière tout ce qu’on regarde, c’est la mort qu’on aperçoit.
Une troupe qui nous régale
Et voilà, c’est fait. Une fois de plus, la jeune compagnie Les Joues Rouges a su nous surprendre en revisitant, à la fois avec exigence et créativité, un classique, en y apposant sa patte, son univers. Et c’est précisément ce qui peut nous manquer parfois, avec des pièces auxquelles nous n’avons rien à reprocher, souvent brillamment interprétées, mais qui resteront une adaptation réussie parmi d’autres. Ici, il y a de l’adaptation et de la création, un souffle nouveau, une pointe subtile d’humour, une modernité intelligemment amenée.

Et bien sûr il y a le talent de ces comédien.ne.s qui se donnent la réplique sans l’ombre d’une hésitation, sans aucune faiblesse, même un jour de première. Avec une mention spéciale pour Adrien Grassard, merveilleux dans les différents rôles qu’il incarne, Sara Belviso, qui interprète une Clotilde de Marelle ensorcelante, et Aurélien Raynal dont le personnage de Bel-Ami monte en puissance au fil de la pièce, à mesure que sa fourberie se dévoile. Le public ne s’y est pas trompé : avant même que le mois de septembre ne pose ses valises, la salle du Lucernaire affichait déjà complet. C’est ce qui s’appelle une rentrée réussie !
Bel-Ami, de Maupassant, adaptation et mise en scène Claudie Russo-Pelosi, avec Aurélien Raynal, Sara Belviso ou Coline Girard-Carillo, Aymeric Haumont ou Thomas Lefrançois, Clémence Roche ou Emma Laurent, Adrien Grassard, Hanna Rosenblum ou Julie Bordas, Sophie Condette ou Messaline Paillet, se joue du 27 août au 9 novembre 2025 au Lucernaire.

Avis
La compagnie Les Joues Rouges nous prouve une fois de plus qu'elle sait entremêler classique et modernité avec talent, finesse et intelligence. Ce Maupassant leur va comme un gant !