Alors que Matrix et ses suites jouissent d’une grande renommée, seuls les fans hardcore semblent connaître Animatrix. Anthologie de plusieurs court-métrages d’animation sortie entre Reloaded et Revolutions, il s’agit néanmoins d’un ajout significatif à la mythologie créée par les Wachowski, permettant une exploration multi-référentielle de l’univers étendu !
Au moment même de la promo au Japon du tout premier Matrix, les Wachowskis avaient déjà de la suite dans les idées pour l’exploitation de leur saga. Ayant évidemment en tête leur trilogie, les réalisateurs étaient également désireux un projet cross-média (le premier de ce genre), en contant des histoires au sein même du canon de l’univers Matrix via les comics, le jeu vidéo et surtout l’animation.
Retour aux origines
Aficionados de japanimation (Ghost in the Shell a bien été une influence majeure) et de culture nippone, il est donc parfaitement logique et pertinent que cette rencontre ait eu lieu, afin de proposer 9 histoires au style narratif et visuel singuliers. S’ils ne sont pas forcément tous aussi brillants les uns que les autres, chacun propose sa vision de l’univers, tandis que certains épisodes (les 4 écrits par les Wachowskis) se révèlent des indispensables afin d’obtenir une vision d’ensemble de la saga !
Le Dernier Vol de l’Osiris est sans doute le court-métrage le plus classique, ainsi que celui qui a le plus vieilli 2TANT DONN2 qu’il a été conçu entièrement en 3D (avec donc une technologie proche des cinématiques de Playstation 3). Un épisode court, débutant sur un affrontement en dojo versant dans le sexy, avant de nous dévoiler la découverte du forage des Sentinelles par l’équipage de l’Osiris. Une issue des plus tragiques les attend, quelques heures avant Matrix Reloaded (ce qui permet donc de comprendre d’où vient l’info cruciale permettant d’introduire les enjeux finaux).
Mais là où Animatrix impressionnera le plus, est dans le double-épisode suivant, intitulé Seconde Renaissance. Ce dernier, entièrement en 2D, permet tout simplement de nous illustrer le tout début de la Guerre entre humains et Machines. Alors que l’humanité développe l’IA pour créer des androïdes-esclaves, il suffira d’un dysfonctionnement d’un de ces robots pour mettre à la casse plusieurs entités du même modèle, et créer un soulèvement d’allure communautaire. Alors que les Machines se développent et créent leur propre Jérusalem en Arabie Saoudite (intitulée « 01 »), la folie des hommes les incitera à entrer en guerre, par peur de devenir l’espèce dominée.
S’ensuit de violents combats (avec une vraie violence graphique assumée), conduisant au futur que l’on connait dans les films. Bombes atomiques rasant New York, ciel assombris pour limiter l’utilisation d’énergie solaire, corps humains cultivés en tant que batterie vivante… tout le lore se déploie sous nos yeux, dans un récit digérant à merveille les réels conflits et horreurs de notre Histoire. En résulte le réel indispensable de cette anthologie Animatrix !
Companion piece
Animatrix est également l’occasion de voir un grand nom de l’animation japonaise s’atteler à deux court-métrages : Shinichiro Watanabe, le papa de Cowboy Bebop et Samurai Champloo ! L’Histoire de Kid se déroule entre les 6 mois qui séparent Matrix et Reloaded, et permettent de montrer comment le Kid (joué par Clayton Watson dans les films) se sort de la Matrice grâce à Neo. Un épisode plaisant, comme dessiné à la main, et qui questionne la foi du jeune personnage, alors qu’il est poursuivi par des Agents. Loin d’être anecdotique, ce segment donne un peu plus de poids à la réplique « Neo, I believe ! » prononcée par le Kid lors d’un moment crucial de Matrix Revolutions !
L’autre court-métrage de Watanabe s’intitule Une histoire de détective, et comme son nom l’indique, nous fait suivre dans une ambiance de film noir un détective contacté par Trinity (de la même manière que Thomas Anderson). Un vrai régal d’ambiance mélancolique, via un noir et blanc stylisé et une bande-son jazzy (Don Davis s’occupe également de la BO d’Animatrix), se concluant sur une fin douce-amère des plus délectables !
Anthologix
Par la suite l’anthologie nous offre de petites aventures isolées, explorant notamment la découverte fortuite de la Matrice par le quidam. C’est le propos de Au-delà, où une bande de gamins découvre ce qui s’apparente à une veille bâtisse hantée avec des anomalies gravitationnelles, mais où les « autorités » décideront de cacher cette anomalie de la Matrice in fine. Record du monde (dans un style graphique proche du Bleu de Zima) quand à lui nous montre un athlète produisant un bug dans la Matrice alors qu’il bat le record du 100m (via un effort surhumain le faisant carrément se réveiller dans le monde réel) ! Un très bon épisode, où tout passe par la simple mise en scène !
Enfin, Programme questionne intelligemment la notion d’adhésion à l’altération de la réalité, via 2 personnages s’affrontant dans une simulation de duel féodal ! Un court-métrage qui vaut avant tout pour ses inspirations stylistiques et une certaine tension, lorgnant vers le wu xia pian ! Pour conclure, Matriculé renverse en 2 temps le rapport de force entre un groupe d’individus capturant une machine, et cette dernière plongée malgré elle dans une simulation afin de lui faire comprendre le sens de la vie humaine. Un épisode mêlant 2D et 3D, allant parfois dans le trip coloré, mais au final délicieusement cruel !
Au final, Animatrix est une anthologie de bonne facture, qui non seulement élargit un peu plus la mythologie dépeinte dans la saga filmique des Wachowskis, mais qui se pose avant tout comme un pionnier en terme d’exploitation trans-média d’un univers (oui, avant Star Wars ou le MCU) ! Un indispensable pour tout fan de Matrix donc !