Et si partir loin, c’était surtout revenir à soi ? C’est le pari de Ananda Road, roman introspectif de Fabienne Redt qui nous embarque dans une quête identitaire au cœur de l’île de La Réunion. Entre surf, syncrétisme et secrets de famille, le récit déroule une aventure initiatique délicate…
Ananda Road place Swane, avocate parisienne, qui traverse une période de crise existentielle. Sa vie professionnelle ne l’épanouit plus, son couple s’étiole dans un silence pesant, et ses tentatives de maternité échouent. En mal de repères, elle décide de s’envoler pour La Réunion, sous prétexte d’écrire un ouvrage sur la diversité religieuse locale. Ce voyage, guidé par Joey, ancien photo-reporter reconverti, va rapidement dépasser le cadre du reportage pour se transformer en véritable chemin de reconnexion à soi.
Plongée dans un environnement naturel intense, entre lagons et montagnes, Swane apprend à écouter son corps, à ressentir plutôt qu’à rationaliser. Elle découvre la spiritualité de l’île à travers des figures locales inspirantes, mais aussi à travers l’océan, le surf, et l’énergie brute de la nature. Jusqu’à ce que l’arrivée inattendue de sa mère fasse remonter un secret de famille longtemps enfoui — et donne à sa quête une portée plus intime encore.
Fabienne Redt, entre caméra et roman
Autrice réunionnaise, Fabienne Redt est d’abord réalisatrice et productrice. Formée à l’INIS Film School de Montréal, elle a fondé et présidé pendant dix ans le Festival du Film de La Réunion. Décorée Chevalier des Arts et des Lettres, elle développe aujourd’hui des courts et longs-métrages au sein de Wabi Sabi Productions. Ananda Road était à l’origine un film, écrit et tourné en anglais, qu’elle a ensuite adapté en roman. Une démarche double qui donne au texte une forte empreinte visuelle et sensorielle.

Une odyssée introspective, tout en douceur
Le récit épouse le rythme lent et fluide d’une transformation intérieure. Pas de grandes révélations soudaines, mais une série de micro-moments vécus pleinement : un regard, une immersion dans l’eau, un échange silencieux. L’écriture privilégie la sensorialité, la contemplation, le lâcher-prise. Certains personnages — comme Joey ou les figures spirituelles croisées sur l’île — servent de jalons initiatiques, bien qu’ils auraient gagné à être plus incarnés.
Le roman s’inscrit clairement dans une tradition développement personnel littéraire, à la manière de Kilomètre Zéro ou L’homme qui voulait être heureux. Avec ses paysages luxuriants, ses thèmes universels (identité, filiation, lâcher-prise), Ananda Road invite le lecteur à ralentir, ressentir… mais ne le bouscule jamais vraiment.
Une spiritualité accessible, mais survolée
L’un des axes forts du livre — la diversité religieuse et spirituelle de La Réunion — reste traité de façon assez consensuelle. Le roman évoque plusieurs traditions et croyances, mais évite les contrastes, les tensions ou les nuances plus culturelles. L’approche est volontairement universelle et symbolique, ce qui parlera à un lectorat en quête de reconnexion simple, mais pourra laisser sur sa faim celles et ceux qui attendaient une immersion plus ethnologique ou spirituellement audacieuse.
Pourquoi ce n’est pas un coup de cœur
Ananda Road est un roman apaisant, sincère, et joliment écrit, mais qui reste en surface sur certains aspects. La trame initiatique, assez balisée, ne surprend pas vraiment. Certains personnages secondaires mériteraient plus de chair. Et si le message fait mouche, il le fait avec une pudeur qui limite parfois l’impact émotionnel. Le livre se lit avec plaisir, mais sans laisser la trace profonde qu’on aimerait garder de ce type de récit.
Fabienne Redt – Ananda Road, éditions Vérone, 164 pages, paru le 9 avril 2025.

Avis
Ananda Road est un roman à recommander à ceux qui aiment les récits de transformation tout en douceur, portés par des décors dépaysants et une quête de soi accessible. Un bon point de départ pour qui souhaite entamer un voyage… vers l’intérieur.