Si certains cinéastes rêvent d’être sélectionnés à Cannes, Ken Loach quant à lui ne sait plus où ranger ses trophées. Avec Sorry We Missed You, il poursuit son travail sur sa grande cause : l’exploration des luttes sociales contemporaines.
Tout d’abord, on pourrait faire de nombreux rapprochements entre Moi, Daniel Blake et Sorry We Missed You, qui sont deux films qui abordent foncièrement des thématiques similaires. Néanmoins, la comparaison s’arrête net quand il s’agit de juger les deux d’un point de vue qualitatif.
Amazon & co en prennent pour leur grade.
C’est le récit d’une petite famille anglaise sans trop le sou : le mari est engagé dans une firme de livraison à domicile – qui rappelle bien évidemment Amazon ; la femme s’occupe des vieilles personnes dans le besoin à leur domicile. On rajoute deux enfants avec chacun leur problème et on comprend aisément que cela ne va pas tourner rond. Ken Loach joue le rôle du chevalier blanc qui prend le parti des gens qui n’ont pas les moyens d’exprimer leur douleur, attaquant de plein fouet le système absurde et inhumain des nouveaux emplois de l’ère moderne (par exemple : être « à son compte », mais devoir faire 14h par jour sous peine de récolter de sérieux soucis pour le portefeuille). Ce traitement dégradant mérite d’être pointé du doigt et on ne peut que saluer la volonté féroce du cinéaste à défendre cette cause. Par contre dans la forme, tout ne suit pas.
Bon casting, beaux dialogues, mais…
L’intérêt pour le film vacille rapidement sous l’effet de la lassitude. La faute à une tendance inutile du cinéaste à vouloir tout mettre sur le dos de ses personnages principaux. Certes, ce sont des protagonistes de cinéma, mais le réalisateur veut tellement les pousser à bout qu’il en dévoile l’écriture fictive de son scénario. Pourtant, avec tout le travail sur le casting (belle performance des acteurs) et sur le dialogue (une maîtrise fascinante de cet art), il réussit dans un premier temps à intéresser le spectateur à son histoire. Il est dommage que dans sa quête d’un discours moralisateur mais juste, il en oublie la finesse.